REVUE

D’HYGIÈNE

liT m POLICE SANITAIRE

COLLABORATEUnS DE LA REVUE 1.)' HYGIÈNE

COLLABORATEURS FRANÇAIS HH.

TnAOPniLF. Hdussel, liionibrc iln l'AcacInniK! ilo mi'iloi iiin, siiii.nlciir. K. l’KniiiN, iiiomhri’ 'le In Commission îles logonicnLs iiis.iliibrcà; Ai.c. iMMiiiniKn, |)rorossciir A In l'naillc, Miciiibi'o do l’Acadcinio Ho incdorino. - Emmfist I!k.snif.ii, im:ilci-iii Hc l'Iiniiilal .S.iinl-I.iiiii5. Kba.nvoi.h K«.\.>r.K, directeur ndjoiiit an lalioraloiro <ic pliysiolnüio nu (;.illôj!c Ho |•■l•allco, iiioinliro Hc rAoailéiiiio de mcHccinc. Javal, Hircctcnr Hii InliornUiiro H'fiplilnlinolujtin n In Si>rliiiiiii>', iiicinhm Ho l'Académie de médecine. Caiiiel, iiij'oiiieur dos |Kmls ul cliniissoos, piyircsseiir ii In l'Vullé, incinlirc de rAcadémie de médecine. MAnrY, membre Hc rAcnHoinic do médoi-iiic. IlijnFi.o, rôpciiloiir & l’École centrale., tnASaOT et A'ncAiin, professeurs n rÉrolo il’Alfurt, nioinbro.s do rArndoniio de médccino. Haiw, liibliollioonii'o de In Fnriillo Ho rnoilocino. Du Ca/.ai.. nncioii iiiéHr'iiti principal de l’armée. IIudin, prorossenr à la Faculté, inciiibro do rAcndéniio do incdorino. M.ir.NAY, médecin de l’asile Sainte-Anne, membre de l’AcaHoinie do inédorino. H. ilur.iiAan, inéHrcin des liépitaiu, membre de l’Académie do médecine. Cii. Cuiahii, directeur du Inliaratuiro muni¬ cipal de In Ville de Paris. A.-J. I’abst, ciiimistc. lliciiAnii, prnrossoiir à rcr.do du Vnl-Ho- firéce. I’. Hiquf.l, chef du l.nboratoirn de mirrii;;rnpliic ii |■|l|K(•rvntllirc ilo Honisouris. Dbodineaii. inspecteur génêrni dos liûpitnux et otablissciui'uts de liiciifnisniiro. Lavrt, pro¬ fesseur d'li,Vj,’ii!nç il In Faculté Ho llnrdeniis. A. I,ai:as.sai:yf:, prolcssenr Ho niedecinc lo;;alc ii In Faculté do Lyon. IlAnoT, H.ir.tmr i". .srionros, socrétniro Hii l.'.niscil iriiy);iéiic Hn Soino-ct-Oise. CléIIEXT, méJocin des bépit.iu.s Ho Lymi. I’ottkvi.y, Hireotonr Hn bnrriiu il'liyuléno ilo In ville dn

COLLABORATEURS ÉTRANOERS

D' StECEL, ronsoiller medical do In ville Ho Leipn;;. D' lit de salubrité publique do Itussic. D' ItAticiiFnss. nieiloeiii en Sainl-Péterslionr).'. D' KtinoiiM, mrmliro Hn 1 Aonilcniie Hn moili do inéHerine iiuliliipic do Itclgique. -- II' li. llKiir.UA | f (Suède). II' Ffeix, professeur H’IiyKiêne n la Farnlie Hn ninilni-iup i aoTM, Hirerteur céuêrnl Hc l'nHuiiiiisIrnliou lUêHioiHe Hn Mintln )i' A rUuiversité Hc Turin. -- D' Van KiiaE.Mii a, Hirni-iniir ilu Inboraioin (iaiid. D' Vax OrEiiBEEK ni':..MEiJKn, professeur H livmrue et de do l'État d Ltreclit. D' Da Sii.va Amaiio, professeur H liyLomie l.isbonne D' (ni. A. Caheiion, profc.sseur d’Iiyoïeun :• I liiuvnrsiii

pryfcs.snur H'Iiypiéne ri'nivorsitè de P.vvie.— Il' \ ii.i.ami.t. . .

D' Aael IIolst, professeur d’Iijijiéiie n riiiiivci I tl

ire Hc la Société.

t Ho la Socu'tc Il 0 tolLi I . - II' Ki.as I.in- f II t 1. <• lljg I I Ile

La Hevut tlht/ffintr o^l l’i-rii.iiip nfliriil la .Sorirlr tin mrilrriiio |iiiltlit)iM* ri <l): jîciiir sani¬ taire >|>n y piiblin sck iiiêinuires rt li s rnm|itas i’oihIiik iIo ses ^êaiK’rs. Un cxoïnpiaire ilo. In Revue est servi p.ir la Suciêlô à eluinm «le ses nienilues Ittnlaire.':. l'iirro Epuivnyer t'mt » r qui coiicrntc la rédacUoii à M. le 1)' A.-J. .M.vrm.N, :i, rue (.i.iy-Liissar, l'aris.

REVUE

D HYGIÈNE

ET DE

POLICE SANITAIRE

Paraissant tous les mois

sous LA DIRECTION DE

E. VALLIN

Membre de l’Académie de Médecine, ^

Médecin Inspecteur de l'Armée, ;

Membre du Conseil d'Hygièno de la Seine, ;

ET DE

A.-J. MARTIN

Inspecteur général do l'Assainissement de la Ville de Paris,

Membre du Comité consultatir d'Hygiène de France.

MEMBRES DD COMITÉ DE RÉDACTION ;

MM. GALMETTE, directeur de l'Institut Pasteur de Lille.

ORANCHER, prolesseur à la Faculté de médecine, médecin des hépitauz, membre du Comité consultatif d’hygiène de France et do l'Acadéinio de médecine. PETBCHE, ingénieur des Ponts et Chaussées, directeur do la Société lyonnaise dos

A. PROUST, inspecteur général des services sanitaires, professeur à ia Faculté de médecine, membre do l'.Académie de médecine et du Comité consultatif d’bygièno do France, médecin de ITIétel-Dieu.

ROUX, de rinslilut, sousKiiroctour do l’Institut Pasteur.

E. TRËLAT, directeur de l'École spéciale d’architecture, prolesseur au Conserva¬ toire des Arts et Métiers.

VINGT-TROISIÈME ANNÉE- - 1901

9 0 1 1 3

PARIS

MASSON ET C'“, ÉDITEURS

LIBRAIRES DE l’ACADÉMIE DE MÉDECINE

120, Boulevard SaiDt-Gorniain.

POLICE SANITAIRE

BULLETIN

MÉDECINE PUBLIQUE OU HYGIÈNE PUBLIQUE Par le D'^ E. VALLIN.

Comme on le verra plus loin, il vient d’être proposé à la Société de médecine publique et d'hygiène professionnelle, fondée en 1877, de modifier son titre, par suite du désir exprimé par la Société des architectes et ingénieurs sanitaires de se fusionner avec elle; elle s’appellerait désormais la Société d'hygiène publique et de génie sanitaire.

On a discuté à cette occasion la signification exacte de ces deux expressions : médecine publique et hygiène publique. Pour leS uns, ces deux termes sont à peu près équivalents; pour d’autres, et nous sommes de ceux-là, ils expriment des choses sensiblement diffé¬ rentes.

L’expression « médecine publique » est récente, elle s’applique à une chose complexe et mal définie. La médecine publique, selon nous, comprend à la fois les épidémies, la médecine légale ou judi¬ ciaire, la statistique médicale et la répartition des décès par mala¬ dies, la vérification des naissances et des décès ; c’est aussi l’orga nisation et le fonctionnement de la médecine gratuite dans les villes et les campagnes, l’assistance médicale aux malades dans les hospices, les hôpitaux, les dispensaires, les consultations publi¬ ques, les policliniques à domicile; c’est l’administration des pre-

D'^ E. VALLIN

miers secours sur la voie publique el du service médical de nuit ; c’est le fonctionnement des bureaux de bienfaisance , la visite des femmes se livrant , à la prostitution, la surveillance des aliénés, l’assistance aux femmes enceintes ou récemment accouchées, le service médical des crèches, des pouponnières et 'des orphelinats, la surveillance des nourrices et la pi’o'.ection des enfants assistés; ce sont les assurances contre la maladie et contre les accidents du travail, les syndicats médicaux, les rappoi'ts des médecins avec les sociétés de secours mutuels; la prophylaxie et le traitement de la tuberculose et de l’alcoolisme ; la création et radministration de sanatoriums populaires pour les tuberculeux, d’hôpitaux marins pour les enfants rachitiques ou scorfulcux, d’asilcs-écoles pour les enfants teigneux, etc., etc.

Voilà, ce nous semble, ce qui mérite le nom de médecine publique ou de médecine sociale; elle s’exerce en quelque sorte en public, dans l’intérét des collectivités; on peut l’opposer à la médecine privée qui s’exerce dans l’intimité des familles et s’applique à des individus isolés.

Ce sont là, assurément, des questions du plus haut intérêt ; (luel- ques-unes ont des contacts fréquents avec l’hygiène puhlicpie ou sociale; mais ces deux choses ne se confondent nullement, pas plus d’ailleurs que la médecine en général ne se confond avec l’hygiène: ce qui les distingue, c’est que celle-là s’efforce de guérir les maladies, celle-ci s’efforce de les prévenir. Dans la pratique journalière de la médecine, il n’y a pas un médecin qui ne fasse entrer des recom¬ mandations d’hygiène dans ses prescriptions thérapeutiques ; on ne dira pas pour cela que ce médecin est un hygiéniste, et l’on a reconnu partout la nécessité de créer des sociétés spéciales d’hygiène à côté des sociétés de médecine proprement dite et de thérapeutique.

La plupart des objets (|ue nous avons énumérés comme consti¬ tuant le domaine de la médecine publique sont étudiés et discutés dans les assemblées politiques, au conseil municipal, à la Lhambre, au Sénat, au Conseil général de l’Assistance publiciuc, dans les commissions administratives, dans les (mngrès et les Sociétés des sciences sociales, dans les journaux consacrés aux questions admi¬ nistratives et aux œuvres d’assistance, dont un îles meilleurs est la Revue philanthropique, fondée en 1897, par .\L l>aul Strauss. Sans doute, un certain nombre de ces que.stions, celles .siirloul qui inté¬ ressent directement la salubrité puhliipie, sont forcément traitées

LA PESTE

dans les Sociétés d’hygiène, en particulier la préparation des lois et des règlements de police sanitaire, qui sont la sanction des mesures réclamées au nom de l’hygiène.

Mais quand on a réuni dans une même société des hygiénistes, des bactériologistes, des chimistes, des ingénieurs et des architectes pour mettre en ronimun leur science et leur expérience pratique, pour assurer ii tous de la bonne eau , de l’air pur dans les maisons et dans les rues, des habitations salubres, à quelques-uns l’immu¬ nité vaccinale contre certaines maladies infectieuses, et la destruc¬ tion absolue des germes morbides, etc., ce qu’ils font ensemble ce n’est pas de la médecine publique, c’est de l’hygiène. Il faut appeler les choses par leur nom. Rapprocher dans un même local et aux mêmes heures des politiciens, des philosophes, des moralistes, des philanthropes et des administi’ateurs avec des bactériologistes et des ingénieurs, c’est s’exposer à des défections, à des lassitudes, au relâchement d'assiduité des membres d’une même compagnie.

Tous les hommes de science savent ce qu’on entend sous le nom d’hygiène, surtout d’hygiène publique, dont certains départemenis méritent le nom d’hygiène sociale. Son champ est déjà assez vaste si l’on reste sur le domaine scientifique, technologique, expérimental et pratique. Il faut craindre de le laisser eiuahir par des questions d’ordre moral ou politique, et ne pas oublier que dans les sociétés comme dans les congrès les plus grands ennemis de l’hygiène, ceux qui empêchent souvent les questions d’aboutir, ce sont- les doctri¬ naires, les philosophes, les prolixes et les bavards.

MÉMOIRES

L.\ PKSTK Par le D'^ H. POITEVIN,

Dircctoui- du llureau d'Iiygiéiic de la ville du tiavi-e.

L apesle qui sévit depuis ISIH à Hong-Kong et à Canton, depuis 1890 dans l'Indc anglaise est devenue une menace pour toutes les nations mariliiuos du globe; et le souci des précau-

D' 11. POITEVIN

lions à prendre en vue de son importation probable doit être, à l’heure actuelle, une des principales préoccupations de tous ceux qui sont, à un titre quelconque, responsables de la santé publique.

A Bombay, l’épidémie a débuté au mois d’octobre 1896; depuis elle a suivi une marche régulièrement périodique présentant un maximum d’intensité en février-mars et un minimum en juillet- août.

Pour une période allant de la fin d’avril au milieu de juillet, on a compté :

SU décès de peste en 1897

98o

1898

740

1899

1628

1900 ‘.

Jusqu’au 11

août 1899,

la peste avait causé aux Indes

164,083 décès

sur 220,907

cas constatés ; en 1900 depuis le

l’"’ janvier jusqu’au 7 septembre, le nombre des décès s’élève à 60,747 2; l’épidémie n’est donc pas en voie de s’éteindre, elle paraît plutôt gagner du terrain et le danger qu’elle fait courir à l’Europe s’aggrave d’autant.

En dehors des Indes et des provinces méridionales de la Chine la peste s’est propagée, créant des foyers secondaires dont le nombre a été surtout considérable au cours des deux dernières années. En faisant abstraction des infections qui ont paru se produire à nouveau dans des localités antérieurement infectées, puis déclarées indemnes, et qui peuvent n’être que le réveil d’épi¬ démies mal éteintes, on compte en ;

1897 1 foyer : Djedah.

1898 1 foyer: Tamatave.

1899 13 foyers : Maurice, Mascate, Alexandrie, L’Assomption

Sanlos, Lourenço-Marquez, Kobé,’ Hono- lulu, Nouvelle-Calédonie, Porto.

1900 jusqu’au 8 septembre : 11 foyers : Manille, Sydney, Rosario, Aden, San-Francisco, Buenos-Ayres, Jambo, Port-Saïd, Smyrne, Beyrouth, Glasgow.

Dans cette numération je n’ai fait entrer en ligne de compte ni les cas isolés qui se sont produits dans un grand nombre de ports

1. Netter, la Peste et soii microbe, p. 75 et Public Heallh Reports. Unites- Slates Marine. Hospilals service, Washington : 17 août 1900.

2. Y. Public Heallh Revorts.

LA PESTE

(New-York, Londres, Hambourg, Philippeville, Trieste, Cardiff, etc.) sur des personnes arrivant directement des pays contaminés ni la petite épidémie de Vienne. Non seulement le nombre des atteintes se multiplie, mais encore leur cercle s’étend, le fléau a franchi d’une part la Méditerranée puis l’Atlantique, d’autre part l’océan Indien, et si les premières contaminations dérivaient manifestement des foyers chinois ou indien il n’est plus de même des dernières.

Les foyers secondaires deviennent des centres de contagion et nous assistons à une dissémination des germes pesteux inquiétante pour l’avenir, d’autant qu’il n’est pas rare de constater des cas de peste en provenance de pays l’épidémie est considérée comme éteinte et d’où les navires arrivent dans nos ports avec patente nette.

Jusqu’ici, en dehors de ses foyers asiatiques, la peste a affecté un caractère relativement bénin, mais il serait imprudent d’en conclure que les choses se passeront toujours ainsi et que nous sommes à l’abri de manifestations plus graves ; il est de notion courante que, surtout lorsqu’il s’agit de la peste, beaucoup d’épi- d émies très meurtrières ont à leur début les allures les plus béni¬ gnes, l’exemple de l’épidémie de Calcutta est à ce point de vue particulièrement instructif.

Dès la fin de 1896 deux médecins Simpson et Cobb signalèrent l’existence du bacille pesteux dans les engorgements ganglionnaires inguinaux que l’on observait depuis quelque temps avec une extraordinaire fréquence chez les militaires d’un régiment qui avait été en garnison à Hong-Kong pendant l’épidémie de 1894; ils déclarèrent qu’on se trouvait en présence de cas de peste atténuée, mais en l’absence de manifestatiqns plus graves la commission officielle nommée pour vérifier leur assertion rejeta leur diagnostic et déclara qu’on se trouvait en présence de bubons simples non vénériens. L’année 1897 se passa sans incident, mais dès le mois d’avril 1898 on constata officiellement quelques cas de peste (il y eut 20 décès en avril, 28 en mai, etc.), puis l’épidémie parut s’éteindre; le 11 octobre le consul de France écrivait : <t L’épidémie de peste a cessé et l’état sanitaire est déclaré indemne par déci¬ sion officielle des autorités sanitaires compétentes » * et le port de Calcutta était déclaré indemne de peste. Au commencement de

1. (fomité consultatif d’hygiène publique do France

H. POTTEVIX

4899, la peste reparaissait et s’installait cette fois avec son caractère actuel (le gravité; depuis la fin d’avril jusqu’au 14 juillet 1900 on a compté 1,442 décès, l’épidémie est devenue à peu près aussi sévère qu’à Bombay

D’ailleurs pour certaines épidémi^ récentes, il faudrait peut-être faire des réserves sur le caractère optimiste des statistiques offi¬ cielles ; nous savons aujourd’hui combien il est facile que les cas passent méconnus, surtout au début, alors que le mot de peste n’a pas encore été prononcé.

A Oporto, le premier cas de peste officiellement constaté est du 5 juin 1899 ; pour toute la durée de l’épidémie la statistique offi¬ cielle accuse 128 décès. Malheureusement ce chiffre ne suffit pas à expliquer la différence entre la mortalité totale observée à Oporto en 1899 et celle des années précédentes. Le nombre total d(!s décès s’est éle\ é à :

4,oH eu 1889 4,364 1890 4,483 1891

4,139 1895 4,828 1897 4,351 1898 5,788 18992

L’année 1899 présente un excédent de 960 décès sur l’année 1897 qui est la plus chargée des dix dernières années et les 128 décès de peste n’expliquent pas cet excédent. La différence devient plus inexpliquée encore si on compare les périodes de mars à septembre.

Dans le 5 juin jusqu’au 3 septembre, date de l’arrivée de la mission française, on avait enregistré 64 cas de peste et 28 décès; or les périodes de mars à septembre ont donné :

1. Public Health Reports, l~ août 1900.

â. Ces nombres ainsi que ceu.'c du tableau suivant sont puises : pour les années antérieures à 1898, dans le livre de^M. R. Jorgç Demographiu e Hygiene da cidade do Porto : pour les années 189» et 1899 dans le rapport sur l’épi¬ démie de Porto par le D' Vagedos<4ri«tt’» des Keiserlichen Gesundheisamts, Berlin, 1900.

LA PESTE

Kii 1893 . 2,323 décès.

1894 . 2,023

1893 . 1,927

1890 . 2,492

1897 . 2,200

1898 . 2,344

1899 . 3,271

soit pour 1899 iiii excédent de 779 décès sur ranncc la plus chargée; en tenant compte d’une épidémie de rougeole qui, de mars à octobre a fait 362 Yictimes, il reste encore un excédent de plus de 400 décès; dont, selon toute vraisemblance, une partie est alîribuable à des cas de peste restés inconnus. Cette opinion est corroborée par le fait que, dès le mois de mai, des cas de peste avaient éclaté au Paraguay et à Buenos-Ayres sur des Portugais venant de Porto; et aussi par l’enquête de MM. Calmette et Salem- beni qui « tendrait à prouver que la peste existait déjà en Portugal au commencement du printemps, en mars, avril, peut-être même beaucoup plus anciennement et que les premiers cas ont été très vraisemblablement passés inaperçus i ».

Le fait que la date et le mode d’importation de la peste n’ont pu être précisés et que, probablement, au début bien des cas ont été méconnus, n’est pas spécial à Oporto ; il ne constitue pas l’excep¬ tion il est la règle ; pour s’en convaincre il suffit de lire les rap¬ ports faits sur les dernières épidémies.

Pour Bombay ; tandis que Simon, Hankin, etc., admettent une importation maritime de Hong-Kong ou de Canton, d’autres (et Netter semble disposé à accepter leur opinion) attribueraient l’épi¬ démie à une incursion de la peste indienne venant des foyers du Cahrwal ou du Kumaon elle existe à l’état endémique. En 4897, le ü'' Childe, partant de cette constatation que les cas de peste avérés ne suffisent pas à rendre compte de l’excédent de mortalité, et que la statisti([ue signale une proportion excessive de décès sous la rubrique « fièvre intermittente et affection des voies respira¬ toires », se demande si un certain nombre de ces cas ne pourraient être des pestes méconnues; quelque temps après ses recherches aboutissent à la découverte de la pneumonie pesteuse dont on

1. Calmette et Salembeiii, la Peste à Opoi to, Annales de VInsliliU Pasteur, décembre 1899.

H. POTTE.yi.\

1-etrouve la trace dans les descriptions des anciens auteurs, mais qui était restée méconnue des médecins de Bombay, bien que constituant la manifestation la plus redoutable de la maladie.

Pour Tamatave : a les origines du fléau n’ont pu être encore déter¬ minées; il s’est déclaré sur plusieurs points à la fois dans les dépen¬ dances de la résidence elle-même comme dans le village indigène et chez divers négociants* ».

Pour Santos : « l’apport de la peste à Santos est généralement attribué k un bateau , Rei de Portugal, mais il est certain que déjà en deux occasions, en juillet et septembre, on avait constaté une mortalité considérable des rats et qu’un premier cas suspect de peste avait été observé alors sur un malade qui avait été isolé k l’hôpital pour fièvre jaune et sur lequel k l’autopsie on avait cons¬ taté des bubons. On regarde aussi comme possible que la maladie ait été apportée de Rangoon, ou bien de Tamatave, ou de .Mozam¬ bique, ou enfin que les premiers cas soient passés inaperçus et que les soupçons se soient éveillés seulement lorsque s’est produit le décès dans les conditions que nous avons indiquées® ».

Pour Smyrne : « Nous ne nous étendrons pas sur la question encore enveloppée de mystère de l’importation de la maladie k Smyrne. Ce qui est sûr, c’est que nous la devons k l’Egypte -la maladie s’était manifestée avant que le premier cas ait eu lieu k Smyrne et lorsque la quarantaine n’avait pas encore été établie contre ses provenances.

L’hypothèse généralement admise est que les germes de la peste aient pénétré k Smyrne par des fruits venant d’Alexandrie; l’en¬ quête n’a pas pu établir la moindre relation du premier malade avec l’Egypte ou avec des marchandises venant de ses ports ...»

. « Nous voulons bien admettre, et nous en sommes même

persuadés, que les vingt-deux cas officiellement constatés ne repré¬ sentent pas tous les cas qui ont eu lieu tous les trois mois de sa manifestation et que quelques cas légers ou de moyenne gravité soient passés inaperçus faute de déclaration ^ ».

1. Kermorgant. Annales d'Hijgiène et de Médecine coloniales ; oclobre- décembro 1900.

2. The Plague by Walter Wymaii. Surgeon general L'-S Marine-Hospilal service, New-York 1900.

3. Lolü-bey. Rapport sur la peste à Smyrne.

LA PESTE

Pour Alexandrie et l’Egypte : « on voit une fois de plus combien il est difficile de préciser l’origine d’une épidémie, le mode d’impor¬ tation reste donc incertain. Le pèlerinage ne saurait être incriminé puisque la peste a éclaté à Alexandrie avant le retour des pèlerins*.

Tous ces faits s’encadrent parfaitement dans les notions que nous possédons aujourd’hui sur le microbe de la peste et sur le rôle que jouent dans la diffusion de la maladie certaines espèces ani¬ males, en particulier les rats.

Le microbe de la peste ne donne pas de spores, c’est un orga¬ nisme fragile; l’action de l’air, de la lumière, la disseccation le détruisent rapidement. Il ne peut conserver sa virulence que par de continuels passages au travers de l’animal.

Dans les foyers de peste qui ont été observés récemment, on a pu se rendre compte assez souvent avec précision du mode de pénétra¬ tion du bacille pesteux dans l’organisme humain; certaines épidé¬ mies, ordinairement très circonscrites comme celles de Kolobowska et aussi comme celle du laboratoire du ly Muller, de Vienne, en -1898, ont été remarquables par ce fait que tous les cas présentaient la forme pneumonique primitive; la porte d’entrée était donc exclu- sivemerit le nez et les bronches.

A Bombay, à Madagascar, en Egypte, à Oporto, les cas de pneu¬ monie primitive ont été relativement rares et l’infection s’est pro¬ duite le plus souvent par la peau , soit à la suite d’excoriations légères aux jambes et aux pieds, soit à la suite de piqûres de puces de punaises ou d’autres insectes parasites de la peau. Pendant l’épi¬ démie de Portugal, Calmette et Salembéni ont observé une malade chez laquelle le point de départ de l’infection pesteuse avait été une piqûre de punaise à la main gauche. La propagation se fait ainsi de l’homme à l’homme d’une façon indirecte, mais ce mode de dissémination n’est pas le seul, selon toute vraisemblance il ne jone qu’un rôle secondaire.

La marche des épidémies de peste les mieux observées se pré¬ sente non pas comme une reptation du fléau à la surface du sol, mais bien comme des manifestations superficielles d’une épidémie qui s’établit et se propage dans le sons-sol par l’interuiédiaire des rats.

Le rat est très sensible à la peste et son rôle dans la diffusion du

t. Comilé coiisiiltatif d’Iiygiène publique de France, 17 juillet 18!)!).

D' H. POÏTKVIN

mal est d’observation très ancienne ; les recherches de Simon, de Yersin, de Hankin et les observations innombrables auxquelles ont donné lieu les épidémies récentes l’ont affirmé et précisé.

Show a montré en particulier qu’à Bombay la diffusion de la peste dans les divers quartiers de la ville, suivait pas à pas l’émi¬ gration des rats qui , fuyant l’épidémie, quittaient les quartiers déjà ravagés par elle.

La transmission du rat au rat et du rat à l’homme se fait comme la transmission de l’homme à l’homme par l’intermédiaire des parasites.

La sensibilité du bacille pesteux à toutes les influences qui peu¬ vent modifier ou supprimer sa virulence fait que les germes que l’on rencontre dans les diverses épidémies et même sur divers sujets au cours d’une même épidémie présentent entre eux des diffé¬ rences considérables ; en particulier il arrive que tel microbe isolé d’un cas humain à terminaison bénigne se montre extrêmement pathogène pour le rat; le contraire doit évidemment se produire et il est bien vraisemblable que des microbes très peu virulents pour le rat sont susceptibles de se montrer très sévères pour l’homme.

Avec ces données nous pouvons nous rendre compte des condi¬ tions nécessaires pour qu’une épidémie de peste s’implante en un pays persistante et meurtrière.

Les microbes importés devront être virulents pour l’homme et virulents pour le rat; quand nous disons pour le rat il faut même préciser pour le rat du pays; nous savons en effet que vis-à-vis d’un même virus toutes les esoèces de rats ne se montrent pas également sensibles ; nous savons aussi que les parasites des ron¬ geurs ne sont pas les mêmes d’une espèce à l’autre et présentent au point de vue spécial qui nous intéresse, c est-à-dire la facilité avec laquelle ils s’attaquent à l’homme, des aptitudes très diverses, et c’est encore une donnée qui vient compliquer le problème ; il faudra enfin que les contagions et du rat à l’homme et de l’homme à riiomme par le moyen des insectes soit facile, ce qui exige des conditions d’insalubrité de l’habitation et de manque de soins per¬ sonnels qui ne sont pas réalisés partout. toutes les conditions favorables ne seront pas réunies, l’épidémie aura peine à prendre pied, mais il est nien évident qu’on ne saurait sans imprudence tabler sur une immunité absolue ou même durable; un hasard, une modification dans la nature du virus pesteux résultant soit de l'ap-

LA PESTE

port d'un germe nouveau, soit de l’exaltation ou de l’accoutumance fies germes déjà importés, peuvent du jour au lendemain ouvrir les portes à l’invasion.

Tout ce que je viens de dire et plus particulièrement l’exemple des épidémies récentes comporte une conclusion parfaitement claire; c’est qu’il est difficile de croire que les mesures sanitaires maritimes, (luelque intelligemment appliquées qu’elles puissent être, soient capa¬ bles de nous préserver sûrement tic toute extension de la peste; partout nous voyons le mal passer entre les mailles du filet. Au lieu de se fier aux mesures de défense qui ont pour but d’empêcher l’apport de la contagion, il faut se préparer à la recevoir. Sans doute nous ne devons pas craindre de voir reparaître les terribles héca¬ tombes du moyen âge, et l’affolement que provoquait, il n’y a pas bien longtemps encore, le nom seul de la peste ii’a plus raison d’exister. Les progrès de l’hygiène et les connaissances que nous avons acquises depuis cinq ans sur le traitement et la prophylaxie de cette affection nous mettent à même de la combattre efficace¬ ment et de circonscrire rapidement ses foyers ; mais avec elle plus encore qu’avec aucune autre maladie le succès dépendra de la rapi¬ dité et df la précision avec laquelle les mesures seront prises. Il est donc indispensable que les autorités sanitaires des villes exposées à la contagion soient toujours en éveil et qu’elles prennent soin de se familiariser à l’avance avec toutes les difficultés pratiques que peut susciter l’application des mesures prophylactiques.

Dans toute ville exposée à la contagion , la première mesure à prendre serait de détruire les rats ou tout au moins de diminuer leur nombie dans la me.sure du possible ; il est bien certain, en effet, il’après tout ce que nous avons appris, qu’une ville dépourvue de rats ou dans laquelle ces animaux n’existeraient qu’en très petit nombre, serait presque sûrement à l’abri de toute épidémie de peste, malheureusement le problème est bien plus facile à poser (|u’à résoudre.

Les rats n’ont pas attendu la peste pour devenir sinon un danger public, du moins une gêne pour beaucoup d’exploitations indus¬ trielles ou agricoles. Depuis longtemps on a essayé et mis en œuvre une loule de procédés destines à les détruire ou à les déci¬ mer, et utilisant les uns les poisons chimiques, les autres des virus vivants; ceux-ci devaient dans la pensée de leurs inventeurs déter¬ miner parmi les rongeurs une épidémie dont la propagation serait

D' H. POTTEVm

assurée par l’habitude qu’on leur connaît de dévorer leurs morts. La. Revue d’ Hygiène a publié, dans son numéro d’août 1900, un article du D*’ Loriga , qui précise bien ce qu’il y aurait à faire et ce qui a été fait. Les procédés chimiques réussissent quelquefois et de grands établissements tels que des abattoirs, des magasins de grains arrivent à se tenir assez à l’abri des rats pour n’en être pas incom¬ modés ; mais il faut pour cela un entretien dispendieux et une sur¬ veillance de tous les jours; d’ailleurs le même procédé qui réussit dans un entrepôt échouera complètement dans un autre très voisin. Autant que j’ai pu le voir par les enquêtes auxquelles je me suis livré , les succès ou les échecs tiennent surtout à la topographie des lieux qu’il s’agit de préserver. Les rats sont des animaux essentiel¬ lement méfiants et migrateurs, dès qu’ils constatent que la morta¬ lité devient excessive ils émigrent, si les communications sont faciles avec les égouts, avec les quais, de nouveaux venus rempla¬ cent bien vite les émigrés; si les communications sont difficiles, la maison est plus lente à se repeupler : en tout cas , les procédés chimiques n’arrivent jamais à détruire les rats ; ils n’arrivent qu’à les faire changer de place , on ne pourrait en aucune façon compter sur eux pour dépeupler une ville.

Parmi les virus essayés , les plus connus sont ceux de Loeffler et de Danysz qui seuls se trouvent aujourd’hui dans le commerce. M. Danysz a publié récemment dans les Annales de l'histüut Pas¬ teur, un travail qui met la question au point et montre bien exacte¬ ment nous en sommes. Au laboratoire, avec un virus bien entretenu , on arrive à tuer sûrement les i-ats par ingestion soit de virus frais, soit de cadavres de rats morts, mais par cette dernière méthode on ne peut compter que sur un nombre restreint de pas¬ sages, quatre ou cinq, quelquefois moins. Dans la pratique, les résultats sont inconstants. Danysz rapporte des expériences faites à Hambourg, par M. Abel, directeur du service sanitaire, avec des cultures envoyées de l’Institut Pasteur de Paris toutes prêtes à être employées :

« 1“ Magasin d’entrepôt. 30 tubes de culture sur gélose; quelques jours après la distribution on a trouvé un rat et deux souris morts. L’examen bactériologique a donné des résultats posi¬ tifs. Le douanier surveillant m’informe que le nombre des rats est plus restreint qu’avant l’emploi des cultures.

LA PESTE

« Grande ÉcuniE d’un voiturier, beaucoup de rats et de souris. 50 tubes de culture sur gélose. Résultat excellent : un rat noir (M. valus) et une souris trouvés morts. Dans les cadavres examinés par moi, votre bacille a été trouvé en abondanee. Lésions anatomi¬ ques typiques (tuméfaction des glandes de Peyer, hypertrophie de la rate, taches grises nécrotiques multiples dans le foie). Ou n’a pas trouvé d’autres cadavres, mais les rougeurs ont disparu com¬ plètement; impossible de savoir s’ils sont morts ou s’ils ont émigré.

« Petit hangar de l.v st.ation de déslnfection de Cüxhaven. 10 tubes de culture sur gélose. Effet nul. »

M. Abel conclut ;

(T. 11 n’y a pas de doutes que la méthode donnera des résultats satisfaisants dans des conditions convenables, mais il est difficile de connaître ces conditions. »

Parmi les conditions dont il faudra tenir compte figurent certai- uement la fragilité du virus qui perd vite sa virulence au contact de l’air (et il s’y trouvera exposé lorsque les rongeurs ne l’absorberont pas aussitôt après son emploi), la sensibilité variable des diveres espèces de rats et l’influence que pourra avoir sur la sensibilité d’une espèce déterminée son genre d’alimentation et la flore micro¬ bienne de son intestin ; ajoutons à cela, lorsqu’il faudra opérer en grand, la facilité avec laquelle les rats savent se soustraire par l’émigration aux dangers de la destruction.

M. Danysz pense que « pour chaque localité d’une certaine importance, la destruction des rats devra faire l’objet d’une étude spéciale. Les applications en grand devraient toujours être précédées par quelques expériences de laboratoire ayant pour but de montrer si la culture est pathogène pour la race de rats dont il s'agit.

<t Dans l’affirmative, il sera toujours bon de renouveler et de spécifier un peu la virulence de la culture ; c’est alors seulement qu’il faudrait l’appliquer méthodiquement aux époques les jeunes générations de rats commencent à se montrer L »

Au point vue de la pratique, nous conclurons : la destruction des rats par- les virus- vivants essayée sur une petite, échelle a donné des résultats inconstants et les conditions du succès denleurent obscures ; le problème de la destruction en grand, tel qu’il se pose¬ rait pour une ville n’a jusqu’ici pas même été abordé.

1. ÜAMVsz. Annales de Vlnslitul Pasteur, avril lîiOO.

D'^ H. POTTEVIN

La seule mesure, qui jusqu’à ce jour ait été prise un peu partout est la mise à prix des têtes de rat ; je crains bien que par ce procédé pas plus que par les autres on n’arrive ni à détruire la race ni à diminuer sensiblement, d’uné façon permanente, le nombre de ses représentants ; la surnatalité aura tôt fait de combler les vides.

Pour le moment, le meilleur conseil qu’on pût donner aux villes serait sans doute le suivant : Faire distribuer à tous lés douaniers, gardes-magasins, agents de police, etc., des instructions très précises pour que leur attention se porte sur les rats qu’on pourrait trouver morts ou malades sur la voie publique, sur les quais, dans les entrepôts. Tout rat ainsi trouvé serait l’objet d’un examen bac¬ tériologique (le diagnostic bactériologique de la peste est relative¬ ment facile et on trouverait sans peine, dans chaque ville de quelque importance, une personne capable de s’en charger); si un rat était reconnu pesteux, la municipalité avertirait aussitôt la population du danger imminent et l’engagerait à faire aux rats, par tous les pro¬ cédés connus, une guerre sans merci. Chacune des mesures que nous avons trouvées insuffisantes en soi (mise à prix, poison chi¬ mique, virus vivants) serait ici d’un précieux secours, et il n’est pas douteux que toutes ensemble, appliquées avec l’ardeur que peut donner le sentiment du danger, arriveraient à diminuer à coup sûr et rapidement le nombre des rongeurs, et, avantage peut-être plus appréciable encore, à tenir les survivants éloignés du contact de de l’homme. En même temps en fermant autant que possible les voies naturelles de l’émigration (égouts, etc.), on s’efforcerait à l’empêcher.

Sans doute, il faudrait prendre gi-and soin de donner l’alarme avec assez de prudence pour éveiller l’attention sans créer de panique; mais on peut s’en rapporter pour cela à la sagesse des municipalités.

Nous avons à nous préoccuper maintenant de l’éventualité d’un cas suspect de peste se produisant en ville ; la première chose à faire est de procéder à l’examen bactériologique qui seul peut per¬ mettre un diagnostic ferme. Au point de vue clinique, la peste peut affecter trois formes : la forme classique, à bubons, la forme pneu¬ monique et la forme septicémique. En France, avec la diffusion actuelle des publications relatives à la peste, il n’est pas à craindre qu’un cas de peste à bubons passe inaperçu du médecin ; les fris¬ sons, la fièvre, l’état général grave qui caractérisent le début de la

LA PESTE

maladie, l’apparition du bubon qui survient dès les premiers jours, les caractères même du bubon, libre, douloureux ne manqueront d’éveiller sa défiance ; il n’en est peut-être pas de même pour la pneumonie pesteuse, l’aspect des crachats, les symptôines cliniques à l’auscultation ressemblent absolument à ceux de la pneumonie ordinaire, mais la marche rapide de la maladie, le désaccord entre la gravité de l’état général et les indications fournies par l’auscul¬ tation trahira la nature de l’affection. Les formes septicémiques sont extrêmement rares, elles attirereraient certainement l’attention par leur évolution prompte et fatale. Les seuls cas pesteux qui peuvent rester méconnus sont ceux que déjà les anciens désignaient sous le nom des pestis mitior, pestis ambulatis, dont la marche bénigne n’oblige même pas le malade à se coucher et à recourir au médecin.

Dans leur mémoire sur l’épidémie d’Oporto, Calmette et Salem- beni insistent sur le rôle important que peuvent jouer dans la pro¬ pagation de la peste ces formes atténuées, malheureusement on est presque désarmé contre elles ; tout ce qu’on peut faire de mieux c’est de les surveiller attentivement à l’arrivée. Les instructions du gouvernement américain relatives à la visite des pereonnes arrivant des pays contaminés sont très précises à ce sujet. La circulaire du 16janvier 1900 dit : Addition aux mesures à prendre dans les ports américains, article 1", paragraphe 8.

Titre G : « Toutes les personnes doivent être examinées entière¬ ment nues et l’examen portera spécialement sur les régions glan¬ dulaires, axillaires, inguinales, cervicales. »

Titre D : « Des femmes inspecteurs seront chai’gées de l’inspec¬ tion des femmes ; elles recevront du directeur de la santé des ins¬ tructions spéciales relativement aux symptômes généraux et au diagnostic de la peste ; en cas de doute, il ne sera pris de décision qu’après examen par le directeur de la santé. »

Titre E : « On prêtera une attention toute spéciale à la recherche des cas de peste ambulatoire qui sont extrêmement dangereux (au point de vue de la contagion) et passent facilement inaperçus. »

Titre F : « On fera très attention aux formes pneumoniques de la maladie ; toute personne présentant les symptômes d’une pneumonie à marche rapide fera l’objet d’une enquête spéciale suivie autant que possible d’un examen bactériologique. «

D' H. POITEVIN

Il serait à désirer que des précautions aussi sages fussent prises partout.

En présence d’un cas de peste bubonique au début, c’est-à-dire à la période il existe seulement de l’engorgement ganglionns'' et de la fièvre, on peut se demander si pour s’assurer de l’existence ou de la non-existence du microbe pesteux dans l’engorgement, on a le droit de faire une ponction à la seringue de Pravaz, en plein tissu lymphatique ; on pouriait craindre que cette ponction ne favorisât la diffusion des germes infectieux en dehors des ganglions ils seraient peut-être restés localisés. Une telle crainte qui aurait eu sa raison d’être jadis ne serait plus de mise aujourd’hui. Il suffit, pour mettre le malade à l’abri de toute infection possible, de lui injecter aussitôt après la ponction exploratrice une petite quantité, S centi¬ mètres cubes environ, de sérum antipesteux en plein ganglion ou à une courte distance de. celui-ci.

L’examen bactériologique se fera à peu près toujours sans diffi¬ culté; s’il s’agit de la pulpe d’un bubon, une pi éparation exte: ^<o- ranée montrera les bacilles pesteux faciles à reconnaître (cocco- bacille court à centres clairs, facilement colorable par les couleurs d’aniline ; Ihionine, bleu de méthylène, etc., se décolorant pai' la méthode de Gram). L’ensemencement -sur gélose et en bouillon (culture rapide à 255-30 degrés ; en bouillon la cultui-e laisse le liquide clair, elle se fait eu surface sous forme de petits grum 'aux blanchâtres, légers, qui tombent au fond du tube dès qu’on imprime à celui-ci le moindre mouvement) et enfin l'inoculation (l’animal de choix est la souris, l’inoculation réussit avec une quantité infime d’une culture en gélose âgée de vingt-quatre à quarante-huit heures ; à l’autopsie, le bacille pesteux abonde à l’état pur dans tous les organes, surtout dans la rate) assureront le diagnostic. L’examen de la préparation faite avec la pulpe du bubon peut dans une certaine mesure permettre d’augurer la marche ultérieure de la maladie. Si dès le début on trouve les microbes nombreux et libres, le pronostic est déjà sombre ; si les microbes sont presque tous englobés dans les cellules polynucléaires, on peut supposer que l’on aura à faire à un cas bénin et que l’infection restera localisée. S’il s'agit de faire un diagnostic au sujet d’une pneumonie pesteuse, comme on ne dispose que de crachats où, surtout au début, les bacilles pesteux peuvent se trouver mélangés à beaucoup d’autres espèces micro¬ biennes, il faudra prendre quelques précautions. Le mieux sera de

LA PESTE

délayer un crachat rouillé dans quelques centimètres cubes d’eau stérile, on ensemencera plusieurs tubes de gélose avec un fil de platine trempé dans ce liquide et on les placera dans un local dont la température ne s'élève pas au-dessus' de 20 à 23 degrés ; à cette température relativement basse, le pneumocoque ne pousse pas, les streptocoques poussent mal, taudis que le cocco-bacile pesteux se développe avec facilité ; au bout de deux ou trois jours, les colonies pesteuses seront déjà très volumineuses. En même temps que cet essai par culture, on en fera un autre par inoculation : ou trempera dans le crachat délayé un pinceau fin en poil de blaireau ou une houlette de coton et on badigeonnera les narines d’un cobaye ou d’un rat en ayant soin de ne pas léser la muqueuse ; par ce moyen, on communique sûrement aux animaux l’affection pesteuse avec la forme de pneumonie primitive ; l’autopsie permet bientôt d’affirmer le diagnostic par l’examen du suc pulmonaire et des organes viscéraux dans lesquels les bacilles abondent.

Le diagnostic de peste étant établi, et même avant qu’il le soit si le cas parait franchement suspect et si l’examen bactériologique ne peut être fait séance tenante , on isolera le malade et on l’injectera au sérum antipesteux suivant la méthode que nous indiquerons plus loin. Si le malade peut être transporté à l’hôpital, son isolement ne présentera pas de difficulté; s’il veut rester chez lui, les choses iront moins simplement ; on devra se contenter alore d’éloigner de lui toutes les personnes qui ne sont pas strictement nécessaires pour le soigner et d’empêcher autour de lui les allées et venues.

Dans cet ordre dUdées, la loi ne met aux mains des municipalités aucune arme coercitive; elles n’ont pas le moyen d’imposer les mesm-es qu’elles jugent utiles, mais l’expérience a prouvé qu’avec: un peu d’habitude et beaucoup de patience on arrive toujours à faire pénétrer dans les cerveaux les moins ouverts l'idée que les' précautions sont plus utiles que gênantes.

Ll^alade étant isolé, il faudra songer à l’entourage ; toutes les personnes qui ont été en contact avec lui, toutes celles qui ont été exposées aux mêmes causes présumées de contagion, devront être isolées, mises en observation pendant une dizaine de jours et vacci- uées. La maison le cas s’est produit et les maisons voisines qui pourraient se trouver en large communication avec elle par les caves, les communs, etc. seront évacuées et désinfectées ; les habi¬ tants envoyés au lazaret ils seront mis en observation et vacci- BEV. d’htg. xxdi. 2

H. POTTEVIN

liés. Il n’y a dans l’ensemble de ces mesures rien qui soit bien spé¬ cial à la peste et qui sorte de ce qu’on a fait en maintes circons¬ tances, notamment pour les épidémies de choléra, mais il est bien certain aussi que les difficultés que l’on a rencontrées alors se reproduiront encore. Toutes ces mesures d’évacuation d’immeubles, d’isolement et de mise en observation au lazaret d’un nombre de personnes qui peut être considérable ne vont pas sans entraîner des dépenses.

La loi de 1884 enjoint au.\ maires de « prévenir par des précau¬ tions convenables, les accidents et les fléaux des calamiteux tels que Maladies épidémiques et contagieuses, etc. ». Les instructions du Comité consultatif d’hygiène publique de France relatives à la peste disent : « Il est de son devoir de (l’administration muni¬ cipale) d’assurer un abri aux habitants du logement pour procéder à une purification sérieuse. » Mais ni l’une ni les autres ne disent qui paiera. Dans les grandes villes qui ont de grandes ressources et l’exécution des mesures intéressant la santé publique n’est jamais empêchée par des considérations d’argent, il n’y aura pas de difficultés, mais en sera-t-il de même pailout? Pour bien montrer qu’il y a une question sur laquelle il ne serait pas inutile d’attirer l’attention des pouvoirs publics, parce qu’elle peut être le point de départ de tiraillements et d’hésitations dont les conséquences sont difficiles à mesurer, je ne saurais mieux faire que d’invoquer l'opinion de M. Monod ; il ne serait pas possible de faire appel à une autorité plus haute et plus indiscutée.

« Môme en pleine épidémie, cette question d’argent a parfois paralysé les meilleures volontés. Je citerai un fait à ma connaissance personnelle :

« Il y a quelques années, le choléra éclate dans une commune. Le médecin des épidémies arrive. II est porteur d’une lettre de l’inspecteur général des services sanitaires et d’une dépêche minis¬ térielle lui donnant pleins pouvoirs, l’autorisant à prescrire d’office les mesures sanitaires. Il examine, il faudrait, lui semble-t-il, isoler immédiatement le malade. Un casino est inutilisé. On est au mois de novembre. Il faut occuper le casino, dit-il. Le maire prépare un arrêté ordonnant cette occupation . Le préfet survient; s’il y a des indemnités qui paiera ? demande-t-il. La loi n’a rien prévu à cet égard. La dépense n’est obligatoire ni pour le départe¬ ment ni pour la commune.- Si les indemnités à payer sont consi-

I.A PESTE

(Jérables, quelle sera votre situation à vous, maire, qui aurez pris l’arrêté ; à vous, médecin des épidémies, qui l’avez provoqué, à moi, préfet, qui l’aurai sanctionné? Il ne fut donc donné aucune suite à l’arrêté municipal.

« 11 est vrai que les bons auteurs prétendent que, en temps d’épidémie, le maire peut et doit prendre d’urgence, toutes les mesures qu’exigent les circonstances, môme à l’intérieur de l’habi¬ tation. Cela paraît fort contestable en droit. Fût-ce vrai, la question resterait : s’il y a des dépenses à faire qui paiera ?

(c Mais quel texte autorise à dire que le maire « peut et doit » prendre toutes les mesures que nécessite la lutte contre une épi¬ démie déclarée ? .

«... Pour la répression des épidémies, il faut conclure comme pour la prévention : le maire a le devoir de les faire cesser, mais il ne dispose d’aucun moyen pour les combattre » (1).

Depuis l’époque M. Monod écrivait son livre, rien n’a été fait pour modifier l’état de choses dont il signalait les inconvé¬ nients.

La maison étant évacuée, ou procédera à la désinfectioi»; la première chose à faire sera de rechercher slil existe des rats ou des souris morts, puis on disposera des pièges pour prendre autant ([ue possible les rongeurs restés vivants ; après avoir bouché les ouvertures par lesquelles ils pourraient s’échapper ou qui pour¬ raient faciliter une invasion nouvelle, on s’efforcera de détruire les demeurants par tous les moyens, en inondant les caves si pos¬ sible, en visitant avec soin tous les coins sombres qui peuvent leur donner asile, etc. En même temps on procédera à la désinfection proprement dite des appartements et des objets mobiliers, des linges, etc. Tout ce qui n’a pas une valeur appréciable sera détruit par le feu ; les linges, les menus objets pourront être désinfeetés sur place par immersion dans l’eau bouillante. Les vêtements, la literie seront enveloppés dans une toile imperméable aspergée avec une solution antiseptique et envoyés à l’étuve. on n’aura pas d’étuve à sa disposition, on pourra tirer un utile parti des cuves qui servent ordinairement au blanchissage et qui permettent de traiter à la fois par l'eau chaude additionnée dans la circonstance de chlo¬ rure de chaux à 1 p. 100 une assez grande quantité de linge et de

(1) Henri .Monod, le Choiera. Paris, 1892.

D' H. POTTEVIN

vêtements ; en dehors de cette ressource ou agira sagement eu faisant la plus large possible la part du feu. Les planchers, les murs, les escaliers, les meubles, etc., seront lavés avec une solu¬ tion antiseptique. Le choix de l’antiseptique n’a qu’une impor¬ tance secondaire, le microbe de la peste est fragile et on pourra employer indifféremment :

Le sublimé à la dose de 1 p. 1,000 avec 2 grammes par litre de sel marin.

L’acide phénique à la dose de S p. 100.

Le lysol à la dose de 5 p. 100.

Le crésyl à la dose de 5 p. 100.

Le chlorure de chaux à la dose de S p. 100.

Le sulfate de cuivre à la dose de 5 p. 100.

Le lait de chaux à la dose de 20 p. 100.

Je donnerais la préférence au phénol ou au crésyl dont l’odeur persistante peut faciliter la surveillance. La condition essentielle à réaliser sera que l’antiseptique ne soit pas seulement répandu sur les surfaces à désinfecter, mais serve à un véritable lavage fait à la brosse ou au balai de façon que toutes les anfractuosités des murs ou des planchers soient sûrement atteintes .

Les personnes employées à cet ouvrage devront avoir des vêtements spéciaux qu’elles quitteront avant de rentrer chez elles; elles devront aussi chaque fois qu’elles quitteront leur besogne (pour les repas, etc.), se laver les mains et le visage avec la solution de sublimé. En dehors de ces précautions, qui sont du domaine de la pratique courante, il faudra que toutes les personnes employées à la désinfection des maisons contaminées ou des linges ayant servi à des pestiférés soient au préalable vaccinées ; il serait prudent aussi de les engager à faire vacciner leur famille. Des exemples frappants soulignent l’utilité de semblables mesures : à Bombay sur 20 coolies employés à ramasser les rats pesteux, 12 ont pris la peste; à Kobé l’épidémie a fait en tout 64 victimes (dans une ville de 240,000 habitants) ; dans ce nombre figurent 3 médecins et 4 femmes ou filles de médecin; enfin à Glasgow, une des femmes employées au lavage des maisons contaminées a pris la peste ; comme elle avait été au préalable vaccinée, l’atteinte a été légère. Au cours de quelques épidémies récentes, on a pratiqué la désinfection par l’aldéhyde for¬ mique. A Smyrne, on a employé l’autoclave formogèné « dans tous les locaux susceptibles d’occlusion parfaite». A Glasgow ou a eu

recours à l’aldéhyde gazeux puis au lavage par une solution d’al¬ déhyde. Je ne crois pas que ces pratiques soient à recommander. Le procès de la désinfection par l’aldéhyde gazeux a été fait ici même par notre savant confrère le D''A.-J. Martin : excellent désin¬ fectant des surfaces lisses, il diffuse très mal dans les anfractuosités et au travers des étoffes; il est absolument contre-indiqué pour la désinfection des surfaces rugueuses ou crevassées, des logements anfractueux ; or nous voyons toujours la peste sévir de préférence dans les maisons pauvres des quartiers populeux et il suffit d’avoir pénétré quelques fois dans ces demeures pour être bien convaincu que les grandes surfaces propres et lisses n’y dominent pas. En solution, le formol émet des vapeurs extrëmemeni gênantes; pour obtenir un pouvoir bactéricide équivalent à celui de la solution de sublimé à 1 p. 1,000, il faudrait employer des solutions d’aldéhyde à 8 et 10 p. 1,000, et celles-ci seraient tout à fait impossibles à mani¬ puler surtout quand il s’agirait de s’en servir pour un lavage.

Pour dépister les cas de peste, surtout les cas de peste légère, qui pourraient être cachés volontairement ou non, il y aura lieu d’or¬ ganiser une inspection médicale journalière des quartiers contaminés.

11 me reste à parler maintenant de la sérothérapie et de la vacci¬ nation pesteuse ; je me bornerai pour cela à reproduire textuelle¬ ment des extraits des conférences que le D'' Calmette a faites à Londres, le 14 novembre 1900 au « Public board of health », et dont il a eu l’amabilité de me communiquer par avance le texjw ;

« Les premiers chevaux destinés à fournir le sérum antipesteux furent immunisés à l’Institut Pasteur au moyen de culture chauf¬ fées et mortes, le sérum obtenu fut expérimenté successivement dans l’Inde en 1897 et 1898 par Yersin d’abord, puis par Simond, et bien qu’il se montrât nettement actif lorsqu’on l’employait à des doses suffisamment élevées, l’abaissement de la mortalité n’était pas assez net pour qu’on fût en droit d’affirmer l’efficacité curative de cette méthode. On résolut alors de revenir à l’immunisation par les cultures d’abord tuées par la chaleur comme précédemment, puis vivantes et virulentes, ainsi que cela avait été fait lors de nos pre¬ miers essais de 1894-1895.

Le sérum ainsi préparé a été expérimenté à Oporto, à Glasgow, dans la République Argentine. A Porto, du 3 septembre au 13 novembre 1899, nous avons traité par le sérum 142 malades hospitalisés, 21 seulement sont morts ; pendant le même temps, on

D-^ H. POTTEVIX

(3omptait en ville 72 pestiférés non traités par le sérum, 46 sont morts.

Les bons effets obtenus depuis l’expérience d’Opoito sont surtout la conséquence du mode d’administration de ce sérum que j’ai été conduit à préconiser avec Salembeni.

Nous avons pu nous rendre compte par l’expériinentation sur les animaux de laboratoire que la peste était une maladie septicémi¬ que que, déjà quelques heures après l’infection, on peut trouver des bacilles pesteux dans le sang des malades, et que, par suite, ces bacilles existent en nombre immense dans tous les organes de l’in¬ dividu atteint. L’injection de sérum doit donc avoir pour effet de provoquer la destruction extrêmement rapide par phagocytose et bactériolyse de tous les bacilles pesteux sans exception.

L’absorption lente du sérum injecté par la voie sous-cutanée ne permet guère d’atteindre ce but, surtout si la quantité de sérum injectée n’est pas très considérable. Il arrive, en eflèt, que l’orga¬ nisme n’étant pas imprégné tout d’un coup par la substance active, les bacilles pesteux échappent en partie à l’action phagocytaire et ceux qui échappent subissent faiblement l’action du sérum, s’ac¬ coutument à celui-ci, se vaccinent et résistent ensuite définilivcmciU à ses influences. Après un temps d’arrêt plus ou moins long, dont la durée est en rapport avec la quantité de microbes qui a pu être détruite par les phagocytes qui ont subi l’action du sérum, l’infec¬ tion poursuit sa marche sans que te sérum puisse désormais l’arrêter.

Tous tes faits cliniques observés contlrment celte manière de comprendre les insuccès du traitement sérothérapique. Lorsqu’on injectait 40 ou 60 centimètres c!:bes de .sérum sous la peau, tout au début de la maladie, on parvenait généralement à juguler l’infection ; mais si l’intervention était plus timide, si on se conten¬ tait d’injecter 10 ou 20 centimètres cubes sous la peau, dans la plu¬ part des cas la fièvre subissait une légère chute, puis augmentait de nouveau après vingt-quatre ou quarante-huit heures et même, si l’injection de sérum était renouvelée aux mêmes doses faibles, la maladie suivait son cours presque sans changement.

Les résultats sont tout autres si on introduit le sérum d’emblée et le plus près possible du début de la maladie, directement dans les veines, comme je l’ai proposé avec Salembeni à Oporto.

D abord l’expérimentation sur les animaux nous avait montré qu on pouvait, de cette maniéré, arrêter une infection pesteuse très

LA PESTE

avancée chez les singes et les lapins, même lorsqu’il existait déjà des loyers pneumoniques. On pouvait suivre alors le mécanisme de la guérison et constater que, déjà très peu d’instants après que le sérum est entré dans la circulation générale, une phagocytose intense du bacille pesteux se produit dans tous les organes lympha- ti ques, principalement, en quelques heures, ils sont tous englobés dans les cellules leucocytaires et on n’en rencontre plus de libres, ils ne tardent pas à disparaître complètement et l’animal guérit. Si l’intervention a été plus tardive, il se forme des abcès résultant de la nécrose cellulaire, ou bien dans les poumons de véritables séques¬ tres Isolés au milieu de portions de tissu parfaitement sain et qui devront s’éliminer par la suite, provoquant alors, dans quelques cas, des infections secondaires graves, mais l’on ne rencontre plus de bacilles pesteux.

Chez l’homme, le processus de guéi'ison après les injections intra¬ veineuses est absolument identique. Déjà quatre ou cinq heures après l’injection, la température s’abaisse, elle se relève ensuite pendant huit à douze heures, puis s’abaisse définitivement. Cette ascension passagère, consécutive à l’injection, correspond à la période pendant laquelle les bacilles pesteux disparaissent de la circulation et sont englobés parles leucocytes. La guérison s’effectue avec une rapidité extrême, en deux ou trois jours, si l’intervention a été précoce. Dans le cas celle-ci a <‘ié tardive et même alors que le poumon est atteint, même alors qu’il existe de la pneumonie pesteuse, primitive ou secondaire, toutes les portions de tissu encore épargnées se vaccinent aussitôt et restent définitivement indemnes. Les îlots pulmonaires atteints avant l’intervention se nécrosent ou bien se ramollissent et sont expulsés ultérieurement. Quant aux ganglions lymphatiques, la plupart d’entre eux restent pendant longtemps gonflés, durs, indolores à la pression, puis ils diminuent peu à peu de volume et reviennent lentement à l’état normal. Par¬ fois ils suppurent; la fièvre réparait alors pendant la période de suppuration, mais le pus ne renferme plus de bacilles pesteux, et ce pus inoculé aux souris ne donne plus la peste; tous les microbes ont disparu.

Nous érigerons done en principe absolument foianel que le médecin qui se trouve en présence d’un cas de peste, sans attendre même que son diagnostic clinique soit confirmé par l’examen bacté¬ riologique, devra injecter aussitôt dans une veine supcriiciclle de la

M D' H. POITEVIN

main, de l’avant-bras ou de la jambe, 20 centimètres cubes de sérum antipesteux.

Si la fièvre ne tombe pas complètement après vingt-quatre heures et que le diagnostic se confirme, l’injection de 20 centimètres cubes sera renouvelée également dans les veines.

On ne doit pas craindre de pratiquer ces injections intravei¬ neuses. Elles sont toujours absolument inoffensives lorsqu’on prend soin de pousser doucement l’injection et de n’introduire (tans le sang ni bulles d’air, ni particules solides, ni antiseptiques. C’est pourquoi on ne devra faire usage que de sérum antipesteux, conservé sans addition d’aucune substance antiseptique et préservé seule¬ ment de toute altération par un chauffage au bain-marie à S8 degrés, répété pendant une heure par jour, au moins trois fois ; et si le sérum renferme des matières solides en suspension, des flocons d’albumine par exemple, on prendra soin de le filtrer sur un petit linge de toile fine qu’on aura fait préalablement bouillir dans l’eau.

J’ai ti’ouvé toujours très commode de choisir pour ces injections intraveineuses l’une des veines superficielles de la face dorsale de la main ou de la face palmaire du poignet. Si on prend soin de faire tiédir le sérum à la température du corps, l’injection s’effectue sans que le malade éprouve la moindre impression désagi'éable et il ne se produit jamais d’accidents.

Le sérum antipesteux constitue donc un excellent moyen et le meilleur que nous possédions de guérir la peste.

Il est également utile pour la prophylaxie de peste dans les milieux déjà infectés, car tous les individus qui veulent bien se soumettre à l’injection préventive de ce sérum échappent à l’infec¬ tion pendant tout le temps que dure la période de préservation. Celle-ci est malheureusement trop courte : elle s’étend à huit ou dix jours et il est alors nécessaire de renouveler l’injection chaque semaine aux personnes qui sont plus particulièrement exposées à contracter la maladie.

On a pu se rendre compte, à Porto et à Glasgow, de ce fait très important que les personnes inoculées préventivement avec le sérum et qui contractent la peste huit ou dix jours après, c’est-à- dire pendant la période d’immunité, n’éprouvent alors que des symptômes entièrement bénins, tels qu’engorgement ganglionnaûre limité, sans fièvre ou a peu près, et guérisent toujours.

L’injection préventive doit être faite simplement sous la peau de

LA PESTE

l’abdomen, à la dose de 10 centimètres cubes. Elle occasionne assez souvent, comme tous les sérums de cheval même normaux, des éruptions cutanées de courte durée et aussi parfois des dou¬ leurs articulaires simulant une attaque de rhumatisme aigu. Ces accidents, très fuyants et sans aucune gravité d’ailleurs, sont moins fréquents, presque exceptionnels avec les sérums chauffés à S8 degrés et les alexines sont détruites ; ils sont toujoure plus bénins que ceux que produisent les autres modes de vaccination dont nous avons encore à parler et qui reposent sur l’emploi de microbes pesteux chauffés à 70 degrés ou modifiés dans leur vita¬ lité et leur virulence.

Le sérum présente surtout l’immense avantage d’immuniser en quelques heures. On devra donc l’employer à titre préventif toutes les fois qu’il s’agira de mettre à l’abri des personnes exposées à la contagion, malheureusement, comme je l’ai déjà expliqué, l’immu¬ nité ainsi obtenue est de trop courte durée. C’est un inconvénient grave auquel s’ajoute la difficulté matérielle de se procurer des quantités de sérum suffisantes pour vacciner et revacciner aussi fréquemment un nombre considérable d’individus, dans une ville par exemple. Il était tout indiqué de chercher des moyens pratiques pouvant permettre de donner à l’homme une immunité ^ active par le virus pesteux lui-même, plus ou moins modifié, ainsi que nous avons pu le faire avec Yersin et Borel, en 1895, chez les animaux du laboratoire de M. Roux lors de nos premières recherches siu* la vaccination antipesteuse.

Ces faits ont servi de point de départ à la méthode d’Haffkine.

Haffkine cultive le bacille pesteux dans du bouillon additionné d’une petite quantité de beurre ou d’huile de coco; les corps gras flottant à la surface permettent aux bacilles pesteux de se déve¬ lopper en formant des stalactites. Un léger mouvement imprimé au vase de culture fait tomber ces stalactites, qui ne tardent pas à reformer, et on obtient ainsi en trois ou quatre semaines des liquides riches en éléments microbiens. Haffkine chauffait ces cultures pendant une heure à 65-70 degrés, y ajoutait une petite dose d’acide phénique pour assurer la conservation et les injec¬ tait à la dose de 2 à 3 centimètres cubes.

Ces injections donnent lieu à une réaction locale assez vive, accompagnée d’un peu de fièvre et d’engorgement ganglionnaire; elles paraissent avoir été très efficaces, car leur emploi a été géné-

D' H. POITEVIN

ralisé dans un gi‘and nombre de localités de l’Inde la mortalité était très grande et elle est devenue beaucoup moindre chez les vaccinés que chez les non vaccinés.

Haffkine a proposé de faire deux vaccinations successives à quel¬ ques jours d’intervalle. A Hubli, sur une population de 41,427 habi¬ tants, 24,138 reçurent deux injections, 9,742 une seule injection. L’épidémie passée, on compta 2,482 décès chez les non vaccinés, 132 chez les vaccinés une fois, 216 chez les vaccinés deux fois.

J’ai étudié expérimentalement ce qui se passe chez les singes, les cobayes, les rats, auxquels on injecte successivement une, deux ou trois fois des doses variables de cultures de bacilles pesteux tués par la chaleur.

J’ai pu constater tout d’abord ainsi que l’immunité, après une seule inoculation de 3 centimètres cubes de culture en bouillon âgée de 1 mois et chauffée une heure à 70 degrés, ne s’établissait qu’à partir du septième jour, elle dure en moyenne trois semaines chez le cobaye, un mois chez le singe, chez le rat, elle va jusqu’à trois mois. Si on prend soin de répéter l’injection des cultures mortes deux et même trois fois successivement à sept ou huit jours d’in¬ tervalle, on peut conférer une immunité plus solide qui peut aller à trois ou quatre mois chez le singe et le cobaye, à six mois chez le rat. II existe donc des animaux chez lesquels la vaccination est plus durable, comme le rat par exemple, et il est remarquable que cette espèce est précisément beaucoup plus sensible à la peste que le cobaye, lequel au contraire est extrêmement difficile à vac¬ ciner.

Il est donc possible, comme le croit Haffkine, qu’une seule inocu¬ lation de cultures tuées par la chaleur suffise dans beaucoup de cas à donner à l’bomme une immunité suffisante pour lui permettre de traverser une épidémie de peste. La vaccination haffkinienne peut, rendre de très grands services dans les pays infectés ; si elle est un peu douloureuse, elle n’entraîne pas, pour ceux qui s’y soumettent, une incapacité de travail prolongée. Il est juste toutefois de recon¬ naître qu’elle est passible de quelques reproches sérieux.

J’ai démontré avec Salembeni que, pendant la période d’immuni¬ sation avec les cultures chauffées, les animaux sont extrêmement sensibles à des doses minimes de virus pesteux rarement mortelles pour les non vaccinés. Cette constatation explique les quelques cas de mort rapide par la peste qui ont été observés dans l’Inde à

LA PESTE

Bombay et à Damaon, à la suite des inoculations Haftkinieiines. En outre, il n’existe à l’heure actuelle aucune bonne méthode de mesure pour comparer des vaccins diEférents, lorsque ceux-ci sont préparés d'après le procédé de Haffkine.

Pour préparer le vaccin j’emploie un virus venu d’Oporto, et con¬ servé par des passages sur gélose tous les huit jours ; les tubes ense¬ mencés restent vingt-quatre heures à l’étuve à 36 degrés, puis sont conservés à la température ordinaire.

J’ai un virus fixe qui tue par simple piqûre les cobayes, singes, rats.

Pour préparer les cultures vaccinales on cultive sur gélose en boîtes : après quarante-huit heures on délaye le tontenu de la boîte en 20 centimètres cubes d’eau stérile, on filtre sur étoÉfe, puis sur papier, on lave sur le filtre, on remet les bacilles restés sur le filtre dans une petite quantité d’eau, on chauffe une heure à 70 degrés, on sèche dans le vide.

Pour vacciner un animal on prend un poids déterminé de ces cultures, on délaye dans quelques centimètres cubes d’eau salée et on injecte sous la peau ou dans les veines.

Tandis que les injections de cultures en bouillon tuées par la chaleur donnent presque toujours des abcès longs à guérir, les corps microbiens lavés et secs n'en donnent jamais. Si j’ajoute qu’en di¬ luant les corps microbiens secs avec une petite quantité d’eau salée physiologique mélangée à 2 ou 3 centimètres cubes de sérum antipesteux, on peut conférer à la fois l’immunité passive immédiate et l’immunité active plus lente à s’établir mais qui prolonge la durée de la résistance à l’infection, on comprendra que je considère cette méthode comme préférable à toutes celles qui ont été proposées jusqu’à présent. Elle s’impose par la précision de ses effets expé¬ rimentaux et par la facilité avec laquelle elle peut être employée et contrôlée partout.

En résumé, les personnes isolées et mises en observation devraient recevoir dès le premier jour 5 centimètres cubes de sérum à titre préventif ; à quelques jours de là, elles recevront une inocu¬ lation haffkinienne selon la méthode de Calmette ; cette précaution sera d’autant plus nécessaire que quelque soin qu’on ait pris de désinfecter la maison on ne peut jamais répondre que des germes pesteux ne s’y trouveront pas encore au retour des habitants, soit

RIBAS ET FOMM

qu’ils aient échappé aux désinfecteurs, soit qu’ils aient été rapportés par une nouvelle invasion de rats.

Sous la menace d’une épidémie de peste ou lorsque celle-ci aura déjà envahi leur territoire, sévissant sur les rats ou sur les hommes, les villes pourraient aussi organiser des services gratuits de vacci¬ nation hafifkinienne qui fonctionneraient comme le service de vaccination antivariolique.

PAVILLON A TOIT MOBILE

POUR I-E TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE

Par le E. RIBAS et H. Ang. FOHM

Directeur du service sanitaire. Ingénieur civil de Sâo Paulo (Brésil)

« On sait que le soleil est le premier des désinfectants; il faut donc qu’il puisse pénétrer à quelque heure de la Journée dans toutes les chambres de malades et dans tous les couloirs, et pour cela, il importe qu’aucun bâtiment ne projette sur les autres une ombre permanente'. »

« L’air ensoleillé est l’agent microbicide le plus puissant et surtout c’est un merveilleux excitant de la nutrition. L’action de la lumière est toute-puissante sur les plantes ; des ceps de vignes recouverts de toile noircie reçoivent du soleil une très grande quantité de chaleur, mais comme ils ne reçoivent pas de rayons lumineux, ils n’ont que des fleurs sans fruits. Les hommes, et surtout les hommes phtisiques, sont très souvent impressionnés par la lumière* . »

Les lignes qui nous servent d’épigraphes à cette rapide description sont à elles seules l’approbation anticipée du toit mobile qui résout le problème : faire pénétrer le soleil, à quelque heure que ce soit de la journée, dans toutes les chambres de malades et y produire la désinfection aussi bien dans l’air, comme sur les parois, les plan¬ chers, les lits, etc., etc. L’éclairement à profusion des habitations des phtisiques étant la préoccupation des hygiénistes, nous avons pensé que le meilleur moyen de résoudre la question d’une manière prati-

1. D' F. Dumarest. h’hotpitalUalion des tuberculetix d l'étranger.

2. D' G. Deremberg. Trailement de la phtisie pulmonaire.

PAVILLON A TOIT MOBILE

que était la construction de pavillons à toit mobile capable de permettre qu’à l’heure opportune, on obtienne l’assainissement matériel des dortoirs des malades, au moyen de l’action chimique, calorifique et lumineuse des rayons solaires. Aucun point de l’appartement n’échappera ainsi à la bienfaisante action des rayons directs du soleil, qui l’éclairera et le chauffera pendant de longues heures. A notre avis, cette modification devient nécessaire comme puissant auxiliaire de la salubrité des pavillons et conséquemment de la cure des malades, surtout si nous considérons la poussière liquide et bacillifère que le tuberculeux émet quand il parle ou quand il tousse et contre laquelle il ne peut pas être appliqué une prophy¬ laxie donnant des résultats certains comme avec les crachats. Au surplus, la désinfection des locaux occupés par ces malades est d’une pratique difficile, tant avec des désinfectants liquides qu’avec des désinfectants gazeux, parce que les uns et les autres exigent en général de longues heures pour être efficaces, ce qui priverait les malades d’occuper leurs appartements durant ce temps, grave inconvénient sans doute pour le fonctionnement régulier d'un sana¬ torium.

Le toit mobile peut aussi bien être appliqué aux sanatoriums qu’aux maternités et à n’importe quel local qui exige des conditions exceptionnelles d’hygiène.

Aux wagons de chemins de fer, aux installations des lazarets destinés à l’aération complète des effets, nous trouvons encore l’indication du toit mobile. Nous décrirons seulement celui que nous avons proposé pour les pavillons destinés au traitement de la tuber¬ culose et dont les dessins accompagnent cette rapide description.

Pavillon. Le pavillon a 12“,7 X 6“ intérieurement, et est divisé en 2 chambres chacune avec -4 lits. Son plancher est à 2 mètres au - dessus du sol et son plafond à S mètres au - dessus du plancher. Chaque chambre abrite A malades, soit 47“S,625 d’air renouvelé constamment pour chacun, tandis qu’on en a seulement 40 à Ruppertshain, 28 à 40 à Davos, 27 à Heiligens- chwendi et dans d’autres sanatoriums. Chaque chambre a deux portes, une à chaque extrémité, donnant sur la vérandah. Les fenêtres sont du côté opposé aux portes. Les lits des malades et les tables de nuit sont placés dans les trumeaux. Oh peut, si on le juge convenable, poser des cloisons qui divisent chaque chambre en deux plus petites, comprenant une porte, une fenêtre et 2 lits. Les

RIBAS ET FOMU

portes et les fenêtres sont surmontées d’impostes rectangulaires de verre, mobiles sur leur base et pouvant former avec les parois des angles de 90°, quand elles sont complètement ouvertes. Ces impostes se développent entre des oreilles latérales fixées à la pai’oi. Pour diriger plus sûrement le courant d’air contre le plafond, on a placé à la partie supérieure du châssis de l’imposte une lame de verre verticale et fixe qui empêche l’air du dehors de retomber directe¬ ment sur les malades. Ces impostes nous semblent plus avantageuses que celles des « vitres paralèlles à ouvertures contrariées » du D' Castaing qui, en 1897 et 1898, ont obtenu les prix Vernois et Bellion. La nôtre a sur celle-ci l’avantage de pouvoir être graduée, suivant les conditions atmosphériques et l’état du malade, tout en évitant à celui-ci le courant d’air direct, tandis que les vitres du ü'^ Castaing ont le grave défaut d’avoir un écartement étroit et surtout invariable, quelles que soient les conditions atmosphériques et l’état du malade.

Au-dessous des impostes, les fenêtres s’ouvrent comme celles des wagons de chemins de fer, c’est-à-dire qu’elles s’abaissent par glissement entre les deux panneaux formant la partie inférieure de la paroi du pavillon.

Les portes, garnies de persiennes et de vitres, s’ouvrent aussi par glissement le long des parois, comme les portes des wagons à marchandises des chemins de fer, et ont en surplus des ventilateurs à leur base qu’on peut facilement ouvrir ou fermer.

Le plancher qui doit être exposé journellement aux rayons du soleil, est construit comme ceux des ponts de navire, c’est-à-dire en madriers de pichpin.

Les parois du pavillon projeté sont en planches; de sorte qu’elles peuvent être au besoin montées, démontées et transportées plus loin ; mais pour une construction définitive, elles doivent être en maçonnerie.

Dans le cas qui nous occupe les parois sont doubles, avec matelas d’air entre les deux panneaux. Du côté extérieur, les planches sont clouées horizontalement et du côté intérieur diagonalement, ce qui donne plus de solidité à la construction.

A leur face intérieure, les deux panneaux sont revêtus de papier imperméable pour les protéger contre l’humidité et augmenter leur durée.

PAVILLON A TOIT MOBILE

Tous les angles sont ari-ondis. Le pavillon et la véi*andah reposent sur des poutres placées sur des piliers en maçonnerie.

Enfin, en prévoyant l’hypothèse d’un incendie, tout le bois em¬ ployé sera peint avec un mélange incombustible, préparé avec de l’amiante.

Vérandah. En face du pavillon et au même niveau, s’étend la vérandah, de 14'" 2 de longueur sur 4 mètres de largeur, lès huit malades peuvent se reposer. Plafonnée dans toute .sa longueur, elle a cependant, au milieu, en face du large escalier qui la fait communiquer avec le jardin, une partie du toit avec des tuiles en verre ; c’est un refuge pour quelque malade qui recherche plus de chaleur. Sous ces tuiles, il y a des rideaux qu’on peut fermer pour amoindrir l’intensité de la chaleur et de la lumière, quand on le jugera convenablè.

Toute la façade de la vérandah et ses deux côtés sont, à pai-tir de 90 centimètres du plancher, formés par des fenêtres surmontées d’impostes semblables à celles dn pavillon. La paroi de la vérandah est construite comme celle du pavillon et possède, en outre, au niveau du plancher, des ventilateurs semblables à ceux des portes du pavillon.

Les impostes de la vérandah sont placées plus bas que celles du pavillon, afin de faire dévier tout courant d’air qui pourrait s’éta¬ blir, étant les unes et les autres ouvertes.

De chaque côté de la vérandah il y a deux passages de 1’" 50 de largeur, protégés aussi par des vitres, l’un qui, d’un côté commu¬ nique avec les dépendances se trouvent la baignoire, les latrines, et l’autre, qui donne sur le terrain qui sert de châlet d’abri, dès que le toit se meut. Toute la vérandah est munie intérieurement de stores.

Toit mobile. Toute la charpente est en fer, afin d’être plus légère et plus résistante ; sa rigidité est complète. Les entraits, au lieu de reposer sur des poutres, reposent sur des binards à quatre roues, auxquels ils sont solidement fixés par des cornières. Le plafond du pavillon est cloué à la partie inférieure des entraits, de sorte qu’il se meut avec le toit et laisse le pavillon à découvert.

Comme le toit est mobile, les conduites des eaux pluviales ne pouvaient être continues; c’est pourquoi l’eau des pluies tombe par l’orifice inférieur de la gouttière terminale dans des récepteurs en

PAVILLON A TOIT MOBILE

33

forme d’entonnoirs placés an-dessous et scellés sur le toit fixe de la vérandah qui est en contrebas ; de là, elle s’écoule sur le sol par les conduites habituelles (fig. 2). Les binards roulent sur des rails légers, posés sur des poutres en treillis, et celles-ci reposent sur des colonnes en fonte espacées dc3'"'17 d’axe en axe, reliées entre elles par un système de tirants verticaux et horizontaux, de manière à rendre invariable la « largeur de la voie », que doit suivre le toit mobile.

Pour prévenir l’hypothèse d’un coup de vent extraordinaire, les entraits sont pourvus de crampons qui courent parallèlement aux poutres en treillis et sous leurs semelles. Ces crampons, ainsi que les roues des binards, sont revêtus de caoutchouc, pour éviter le bruit.

La couverture du toit est en zinc estampé, imitant l’ardoise et pèse

xxm. 3

RIBAS ET FOMM

k kilogrammes par mètre carré. Deux grands ventilateurs attachés au toit et correspondant chacun à l’une des chambres établissent durant la nuit une constante rénovation d’air dans les appartements. Le poids total du toit mobile n’atteint pas S tonnes, ainsi réparti :

Charpente .

Plafond .

Couverture en zinc . 347

Ventilateurs . 240

Binards . 300

4.!j04'‘î'-

Eventuels . 4;j0

ToUil . 4.9S3kï*-

Ce pôids, relativement petit, est facilement mis en mouvement au moyen d’un treuil ou de quelque autre machine d’un maniement facile, mais si l’éclairage du bâtiment est lait à l’électricité, il ne sera pas difficile d’employer ce même agent comme force, et dès lors de l’adapter au mouvement du toit.

Plateforme ou terrasse. Dès que le toit est mis eu mouve¬ ment, il glisse sur la « voie aérienne » et vient couvrir une terrasse de plain-pied, qui sert alors de « chalet d’abri ». Cette terrasse, qui communique avec la vérandah par un escalier, est aussi munie de stores et fait partie du jardin.

Nous ne devons pas oublier iiue, si pour la parfaite garantie des conditions de salubrité des pavillons, il convient que les rayons solaires agissent directement, pour la cure des tuberculeux l’action de cet agent ne doit pas, en général , se faire sentir directement sur les malades, et c’est la raison des « chalets d’abri » dans les sana¬ toriums. A ce propos, qu’il nous soitperrnis de reproduire l’élégante phrase de Daremberg : « Il faut se faire caresser, mais non pas mordre par le soleil. »

Trottoir. Autour du pavillon et de la terrasse, il y a un large trottoir en ciment, avec des conduites pour les eaux pluviales.

Paratonnerre. Le pavillon est pourvu d’un paratonnerre, non pas fixé sur le toit puisque celui-ci est mobile, mais posé sur une haute colonne érigée à l’angle de la cheminée et dont la hauteur est

LE CHAUFFAGE PRIVÉ AU PÉTROLE 33

calculée de manière à protéger non seulement le pavillon mais encore les colonnes de la terrasse. Une grande lampe électrique est suspendue à un bras horizontal attaché à la colonne du paraton¬ nerre; pour éclairer le jardin.

LE CHAUFFAGE PRIVÉ AU PÉTROLE Par le B' CHAVIGNT.

Médecia-Major de 2* classe,

Chef du laboratoire de bactériologie du VI* corps d’armée.

Les qualités que la majorité du public demande aux appareils de chauffage privé sont à peu près irréalisables avec les moyens dont nous disposons actuellement. Pour satisfaire à l’idéal, qui consiste à chauffer à tour de rôle dans un appartement les nombreuses petites pièces entre lesquelles se répartit l’existence journalière, il faudrait un foyer mobile, économique d’achat, d’entretien aisé, et facile à allumer et à éteindre instantanément suivant les besoins. Assurément, si un tel appareil existait, ses avantages seraient nom¬ breux : ce serait la suppression de cette série de feux répartis entre les différentes pièces, feux qu’il faut sans cesse surveiller et dont la chaleur est parfois utilisée pendant quelques minutes seule¬ ment sur plusieurs heures d’allumage.

Il est bien séduisant pour un constructeur d’essayer de satisfaire à la demande du public à ce sujet, car le succès va de suite aux appareils qui semblent réunir ces avantages. Malheureusement, c’est d’ordinaire aux dépens des qualités hygiéniques que les diffi¬ cultés du problème semblent résolues. 11 ne faut pas oublier, en effet, que tout appareil de chauffage qui comporte un foyer implique la combustion d’un corps quelconque avec émission de gaz (CO^ au moins) ; ces gaz sont nuisibles à l’homme, autant parce qu’ils représentent une certaine quantité d’oxygène soustrait à l’atmos¬ phère, que parce qu’ils sont ou irrespirables, ou toxiques.

11 ne faut pas remonter bien loin en arrière pour retrouver une période à laquelle l’Académie de médecine a peser de toute son autorité pour faire rejeter les poêles mobiles avec ou sans tuyaux, les nombreux cas d’asphyxie relevés quotidiennement à cette

D' CHAVIÜNY

3U

époque n’ayant pas suffi pour éclairer ou convaincre le public; ces poêles ont, depuis, disparu presque complètement de l'usage.

Mais voici que nous voyons surgir sous une autre forme, les mêmes inconvénients, sinon les mêmes dangers : depuis trois ans environ, vient d’être lancé dans le commerce un nouvel appareil de chaufl'age, le poêle à pétrole, dont les types sont variés ainsi que les homs, mais dont le principe est toujours le même. Depuis qu’une hausse sensible s’est fait sentir sur le charbon de terre et les praduits similaires, un calcul très simple indiquait que le pétrole, dont le prix n’avait pas augmenté, devenait un combustible très avantageux, surtout dans les villes l’octroi ne le frappe pas d’un droit trop lourd. Le pouvoir calorifique du pétrole est élevé, il dégage au kilogramme une chaleur à peu près égale à celle du mètre euhe de gaz (de 10 à 11,000 calories) *.

Au point de vue du chauffage, lorsque le gaz et le pétrole se ven¬ dent le même prix dans une ville, le consommateur peut donc hésiter entre les deux produits ; mais il sera d’ordinaire plus tenté par le pétrole, car bien peu de maisons possèdent une installation de gaz utilisable dans toutes les pièces.

En différents endroits, les nouveaux poêles à pétrole sont donc accueillis avec une faveur marquée, et leur emploi tend à se géné¬ raliser. Ne doit-on pas, au point de vue de l’hygiène, faire quelques résen es et prévenir le public contre cet engouement ?

Il n’est pas superflu de rappeler qu’un foyer à pétrole, quelle que soit sa disposition, doit toujours son pouvoir calorifique à la com¬ bustion (les hydrocarbures qui entrent dans la composition du liquide combustible, et que la q lantitc d’acide carbonique produite

1. Péclet (Traité de la chaleur, 1880, tome 1, p. lU) cite les pétroles comme combustibles de clioû dont les avantages sont («mpensés par leur prix trop eleve : il donne la composition suivante pour les huiles lourdes :

LE CHAUFFAGE PRIVÉ AU PÉTROLE 3^

par ce poêle est fonction directe de la quantité de carbone brûlé. Une lampe chauffante à pétrole, surmontée de sa cheminée de verre, est un foyer dont le tuyau de tirage s’ouvre à même la pièce dans laquelle il est allumé

Assurément, s’il ne vient guère à la pensée de songer aux incon¬ vénients possibles du poêle à pétrole, c’est qu’on est involontaire¬ ment porté à le comparer à une lampe et à se dire qu’on a simple¬ ment introduit dans la pièce une grosse lampe ; ce raisonnement assez faux par lui-même s’appuie sur une erreur courante : d’ordi¬ naire on ne se préoccupe nullement, lorsqu’on mesure la capacité d’habitation d’une pièce, du nombre de becs d’éclairage qui y seront allumés.

Pourtant d’après Péclet * en comptant que la dépense de combus¬ tible est à l’heure :

Pour une bougie . H grammes.

Pour une chandelle . 12

Pour une lampe gros-bec . 42

il faut compter comme consommation minimum 6 mètres cubes d’air par bougie et par heure, et 24 mètres cubes par lampe gros- bec.

Le même auteur admet semblable proportion de 24 mètres cubes, ou un peu plus, pour un bec de gaz ordinaire brûlant environ 100 litres à l’heure.

Tous les chiffres de ventilation adoptés par Péclet paraîtront un peu faibles aux hygiénistes qui ont maintenant élevé leurs préten¬ tions ; ainsi cet auteur se contentait pour l’homme d'un cube de IS à 20 mètres par heure*, alors qu’actuellement on demande 40 mètres cubes, de façon à ce que le taux d’acide carbonique* dans le local, se maintienne inférieur à 0,0008. Si, par exemple, on accepte ce chiffre de 24 mètres cubes comme ventilation pour un bec de gaz à 100 litres, la proportion d’acide carbonique est au bout d’une heure

l.II existe bien quelques modèles de poêles ê pétrole arec tuyaux s'adaptant à une cheminée, mais c’est un modèle tout exceptionnel qui n’est presque jamais adopté.

2. Péclet, ibidem. Tome III, p. 180.

3. Ibidem,. Tome III, p. 179.

4. Lxteran. Trailt' d'hugiène militaire., p. 603.

D' CHAVIGNY

de 0,0023 Il est bon d’ajouter encore qu’il ne faut pas confondre la quantité d’acide carbonique produite, avec la quantité d’oxygène à fournir à un foyer quelconque en une heure, celui-ci n’utilisant d’ordinaire que les deux tiers de l’oxygène contenu dans l’air qui l’alimente.

Il faut avoir fait des pesées exactes pour se rendre compte de la puissance de combustion d’une de ces grosses lampes de poêle. Une lampe d’éclairage à pétrole de dimension courante et à mèche de 9 lignes brûle à l’heure 22 grammes de pétrole; un poêle à pétrole consomme un quart à un tiers de litre (200 à 27S grammes) de pétrole à l’heure suivant sa taille. C’est donc une combustion équi¬ valente à celle de 10 à 12 lampes ordinaires, et si la chaleur émise est en raison du nombre de grammes consommés, les gaz produits par la combustion sont eux aussi dans la même proportion.

La composition de divers pétroles des Etats-Unis * étant la sui¬ vante :

Carbone 86,4 87,86 87,83 88,58 88,90 pour 0/0

Hydrogènes 2,7 12,14 12,30 11,34 11,09 pour 0/0, un kilogramme de pétrole moyen, à 878,6 de carbonne pour 1,000 grammes, fournit par sa combustion 3'‘®,221 de CO®, soit (la densité de celui-ci étant de 1,97) 1,634 litres de CO®. Si la densité de ce pétrole est de 0,800 environ, il en résulte que la lampe de poêle à petrole déverse dans l’atmosphère de 300 à 420 litres d’acide carbonique à l’heure 3.

Pour qu’une quantité semblable d’acide carbonique soit diluée au taux hygiénique de 0,0008 dans l’atmosphère, il faudrait donc par heure faire circuler dans la pièce de 430 à 625 mètres cubes environ. Admettons même que cette dilution soit la limite extrême de ce que l’on peut demander, il n'en reste pas moins acquis qu’une semblable ventilation est absolument irréalisable et que ces poêles déversent dans l’atmosphère une quantité énorme d’acide carbo¬ nique.

Il est vrai d’autre part que l’acide carbonique n’est directement

1. Un mètre cube de jaz d’éclairage produit par sa combustion !0“,.5'7 ou

d’acide carbonique (Lavera.n, p. 719).

2. Encyclopédie chimique.

3. La plupart de ces chilTres nous ont très obligeamment été foiini is par M. Haurat, professeur à l'Ecole nationale d’.\rts et Métiers de Châlons-sur- Marne.

LE CHAUFFAGE PRIVÉ AU PÉTROLE 39

nuisible à l’homme qu’à dose déjà assez forte ; ainsi Pettenkoffer a pu passer quelques heures sans inconvénients dans une atmos¬ phère contenant 10 p. 1,000 de CO®. Forster est resté même dix minutes dans une cave dont l’air contenait 40 p. 1 ,000 de CO®; mais ce ne sont que des expériences, et, dans l’intérêt de la santé luimaine, il faut craindre raccumulation de CO® dans les pièces on séjourne. Lorsqu’il s’agit surtout, soit d’enfants, soit de malades, soit de tous ceux qui ont besoin d’une ventilation pul¬ monaire intense, on ne doit jamais tolérer l’accumulation de CO® dans les pièces habitées. Par l’acide CO® seul, un animal meurt dans une enceinte la proportion de CO* atteint 11 à 18 p. 100, mais ceci, c’est la dose toxique infiniment supérieure à la limite de tolérance hygiénique.

Reste maintenant une question absolument réservée, que le manque d’outillage nécessaire nous a empêché d’aborder, celle du dégagement de l’oxyde de carbone. Rien ne prouve, à prioii, que la combustion soit assez complète pour éviter la formation de ce der¬ nier gaz, et ce serait une étude à entreprendre, d’ailleurs aussi bien pour ce cas particulier que pour celui de la plupart de nos appareils d’éclairage. Dans tous les cas, il n’en reste pas moins cer¬ tain que le poêle mobile à pétrole, sans tuyautage, est absolument à rejeter de l’usage journalier, lorsqu’il doit rester allumé plus de quelques minutes consécutives ; or, nous avons vu semblable appa¬ reil brûler nuit et jour, sans arrêt, dans une chambre de malade, et ce n’est pas à l’état exceptionnel que se fera pareille constatation.

On n’aura sans doute guère à observer de cas d’intoxication aiguë, vu l’absence ou la petite quantité d’oxyde de carbone, mais les méfaits de ces poêles, tout en n’étant pas éclatants, ne doivent pas moins être nombreux. Ils fournissent un excellent procédé d’asphyxie chronique, et ce ne serait guère améliorer leur emploi que les munir d’un tuyau s’adaptant aux cheminées, si l’on veut, avec cette modification, continuer à les transporter de pièce en pièce. De même qu’avec les anciens poêles mobiles, le tirage n’est nullement assuré quand on adapte un poêle tout allumé et chaud à une cheminée froide ; le tirage peut, suivant les conditions, s’éta¬ blir du dehors vers le dedans et tous les gaz refluer dans la chambre.

En résumé, il devrait être inutile de démontrer qu’il est malsain de laisser déboucher un tuyau de cheminée dans une pièce habitée;

40 SOCIETE DE MÉDECINE PUBLIQUE,

mais une vérité aussi simple étant dans la pratique parfaitement méconnue, il devenait nécessaire de la rappeler. L’excuse que peut invoquer le public vis-à-vis d’une semblable erreur, c’est qu’en langage courant l’on confond les termes fumée et gaz d’un foyer, sans tenir compte que des gaz, ou irrespirables ou toxiques, peu¬ vent être absolument inodores. Il ne viendrait à personne l’idée d’installer dans un appartement un poêle à gaz sans y faire adapter un tuyau de tirage ; il est difficile de comprendre l’exception dont bénéficie le pétrole.

SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE

ET D’HYGIÈNE PROFESSIONNELLE

Séance du 26 décembre d900. Présidence de M. Huet, vice-président.

Renouvellement du Bureau et du Conseil d’administration POUR 1901.

Sont élus :

Président ; M. le D' Brouardel, membre de l’Institut et de l’Aca¬ démie de médecine, doyen de la Faculté de médecine, président du Comité consultatif d’hygiène publique de France, etc. ;

Vice-présidents : MM. le D' Budin, professeur à la Faculté de médecine, membre de l’Académie de médecine;

Huet, inspecteur général honoraire des Ponts et Chaussées ;

Le D” Richard, médecin principal de première classe de l’armée, professeur à l’École du Val-de-Grâce ;

Thuillier, sénateur, ingénieur sanitaire ;

Secrétaires généraux honoraires : MM. les D” Lacassagne et Naplas ;

Secrétaire général : M. le 0“^ A.-J. Martin ;

LES LOCAUX DISCIPLINAIRES

Secrétaires généraux adjoints ; MM. Launay, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, et le D' L. Martin ;

Trésorier : M. Galante ;

Archiviste bibliothécaire ; M. le D' Faivre ;

Secrétaires ; MM. le D"" Darras, le D' Deschamps, Garnier et Richoü, ingénieurs civils.

Membres du Conseil :

MM. Trélat (Emile), ü'' Proust, D^Gariel, D'L. Coun, D''Gran- CHER, D'Th. Roussel, D"" Chauveau, D^Cornil, Levasseur, D'épinard, Cheysson, Duclaux, D'' Lucas-Chamwonniére, F. Eulsson, D'' Lan- DOUZY, D'' Laveran, anciens présidents ;

.MM. Bartaumieux, architecte; Beciimann, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées ; Bei.louet, architecte; D'' Berlioz; D' Chante- •MESSe; Delafon, ingénieur sanitaire; Desmazüres, négociant; D' Dron, député; D" Drouineau; Kern, ingénieur sanitaire, P''Le Roy des Barres; ü'Letulle; Livache, ingénieur civil ; D"" Mare- VERY ; D'' Martha ; Millet, ingénieur sanitaire ; Moyaux, architecte ;

Netter; D'" Philbert ; D’’ P. Richard; D'' S.aint-Yves Ménard; D" Thierry; D’’ Vallin; Yvon, pharmacien.

Les beaux disciplinaires des corps de troupe et l'hygièyie Par M. le D' GRANJÜX

Il y a quelques années, une modification des plus importantes a été apportée au système disciplinaire en usage dans les corps de troupe. Il a été décidé qu’en principe les journées passées à la pri¬ son régimentaire ne compteraient plus dans le temps de service par le soldat ; par suite, au départ de la classe, les hommes ayant subi cette punition sont conservés au corps un laps de temps égal à celui qu’ils ont passé en prison. C’est ce que le troupier, dans sou langage spécial, appelle « faire du rabiot ».

Or, la crainte du « rabiot » est le commencement de la sagesse et depuis que la punition de prison comporte cette sanction, elle est devenue beaucoup moins fréquente. C’est du moins ce qu’il m’a été donné d’observer.

On peut donc dire que maintenant la prison est redoutée à la caserne, surtout en raison de Téehéanee à payer au moment de la

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libération. La peine physique est reléguée au second plan ; et le

côté moral domine.

Ce nouveau caractère pris par la prison régimentaire doit entraî¬ ner logiquement la disparition des locaux antihygiéniques dont elle a hérité d’un passé lointain et contre lesquels les médecins mili¬ taires font depuis longtemps campagne.

Du reste, les salles de police ne le cèdent en rien aux prisons comme erreurs hygiéniques, de telle sorte qu’on peut englober tous les locaux disciplinaires dans la même réprobation hygiénique.

Vous les connaissez trop... de réputation, pour qu’il soit utile de vous en présenter une ci’itique détaillée, mais permettez-moi de vous lire le tableau si vécu qu’en a tracé en quelques lignes dans le Bulletin médical, un médecin qui a tèté quelque peu de « la boîte ».

« La salle de police donc est rigoureusement close, jour et nuit, qu’elle soit vide ou occupée. Comme air elle ne reçoit que ce qui veut bien en passer sous la porte, comme lumière que ce que laisse transpercer un carreau haut placé, soigneusement grillagé et jamais nettoyé.

« Une fois par semaine au moins, ledit local est lavé à grande eau, oui, mais dans sa partie accessible seulement, et non sous le lit de camp, inamovible comme un fauteuil de sénateur et qui occupe la plus grande surface. L’eau s’infiltre sous la « planche », y crou¬ pit, en y barbotant avec tout ce qui peut s’y rencontrer...

« Or, s’il est en notre armée un officier de semaine curieux et désœuvré, je lui signale le sous-sol du lit de camp qui meuble la « boîte » de sa caserne. Qu’il en fasse soulever quelques planches..., si le cœur lui en dit.

« Enfin, et je garde le meilleur pour la bonne bouche... Mais je n’insiste pas, tout tiendra dans un mot : le baquet !

Cette installation si défectueuse de locaux sont enfermés de pauvres diables n’ayant, la plupart du temps, péché que contre la discipline, choque encore bien plus si l’on songe aux conditions tout autres que les malfaiteurs trouvent à la Santé ou à Fresnes- lès-Rungis, à en croire le passage suivant du journal le Temps ;

« Que d’individus, entrant à la Santé, murmureront, les yeux écarquillés devant ces jardins spacieux et clairs, ces chambres propres, blanches, et l’électricité apparaît d’un tour de bouton :

« Certes, jamais je ne fus aussi bien logé !

« La Santé comprend 1,080 cellules, vastes et bieifaérées, éclairées

LES LOCAUX DISCIPUNAIRES 43

sur les jardins par une fenêtre grillée, mais largement ouverte, et donnant sur un long couloir de garde. L’ameublement se compose d’un lit en fer, fixé au mur, d’une chaise, d’une tablette en bois que domine une lampe électrique, d’un appareil de toilette complet avec lavabo, robinet d’eau de Seine et robinet d’eau de source; le système du tout à l’égout assure une propreté parfaite à ces cellules, et l’hygiène y sera stiûctement surveillée par un personnel médical nombreux. Enfin un bouton électrique est posé près du lit, et, .sur un signe de l’habitant, un gardien accourt... N’est-ce pas la cellule idéale, enviée du sage et du philosophe? »

.Mais revenons à nos locaux disciplinaires. Leurs mauvaises condi¬ tions hygiéniques peuvent évidemment avoir une influence fâcheuse sur la santé des hommes qui y sont enfermés. Si théoriquement la chose ne peut être niée, il est, en revanche, malaisé dans la pra¬ tique de déterminer le rôle que les locaux disciplinaires peuvent jouer dans la morbidité du soldat. Leur action est rarement saisis- sable et cela pour des causes diverses telles que le peu de durée habituel des punitions, la vigueur et l’entraînement du troupier, la surveillance du médecin militaire, etc...

Cependant, il y a exceptionnellement des faits malheureux le rôle néfaste de la prison paraît démontré. Je crois que le cas sui¬ vant rentre dans cette catégorie.

Lorsque j’étais médecin-chef des salles militaires de l’hospice mixte de Vernon, je recevais dans mon service les malades de la compagnie d’infanterie chargée de la garde de la prison de Gaillon. A un moment donné la grippe sévit sur cette petite garnison en y provoquant un certain nombre de complications pulmonaires. Il en fut de même dans la garnison de Vernon, de telle sorte que j’eus à soigner un nombre relativement important de ces affections de l’ap¬ pareil respiratoire. Toutes guérirent sans incident, sauf chez un soldat de Gaillon qui fit de la pleurésie purulente, de la péricardite purulente, de la néphrite, de la phlébite, etc. ; on dut le réformer et un an plus tard il succombait dans ses foyers. Comme il s’agissait d’un vigoureux garçon, sans passé morbide, je clierchais longtemps, sans pouvoir la trouver, la cause occasionnelle de ces accidents demeurés uniques dans cette épidémie, quand il finit par m'avouer qu’il était tombé malade après avoir « tiré trente jours » dans un ancien cachot de la prison transformé en local disciplinaire pour la garnison.

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J’ai cru et je crois encore que cette longue détention dans un local plus défectueux que d’ordinaire a jouer un rôle important dans ce drame pathologique. Mais je dois déclarer que, dans les trente années j'ai appartenu à l’armée, je n’ai pas vu un second fait permettant d’incriminer positivement les locaux disciplinaires comme facteurs de maladie.

Les quelques camarades, que j’ai interrogés à ce sujet, n’ont rien retrouvé ni dans leurs notes, ni dans leurs souvenirs, sauf le D'' Daubre. A propos des épidémies de fièvre typhoïde observées à Sidi-Bel-Abbès, il a signalé jadis que chez les hommes venant de la prison la maladie avait un caractère de gravité spécial et un ensemble de symptômes caractéristiques.

S’il est difficile de prouver par des faits convaincants l’influence pathogène des locaux disciplinaires, l’autorité militaire ne s’est pas appuyée sur cela pour maintenir le statu quo; elle a, au contraire, réalisé, dans les casernements construits depuis dix ans, les deux principaux desiderata formulés par les hygiénistes : le lit de camp est devenu démontable et le légendaire baquet a disparu. Voici comment on a atteint*ce résultat :

Dans les nouveaux casernements les locaux disciplinaires sont toujours aménagés dans des pavillons distincts de ceux de la troupe. On les dispose généralement contre un mur de clôture, en ayant soin de ménager entre ce mur et le pavillon un espace de 4 à 5 mètres de largeur qui constitue une sorte de préau. C’est sur ce préau que débouchent les portes des salles de discipline.

On a profité également de cette disposition pour adosser, à la face du pavillon donnant sur le préau, de petits édicules en tôle ou en maçonnerie, communiquant par une porte chacun avec une salle de police ou une prison. Dans cet édicule est organisé un cabinet complet du type système Goux. On sait qu’il se compose essentielle¬ ment d’une plate-forme en fonte pourvue d’un trou de chute au dessous duquel on dispose une tinette pourvue de la garniture régie mentaire. Le sol des locaux disciplinaires étant établi à 0"',6Ü au- dessus du terrain naturel, on surélève d’une marche la plate-forme du cabinet et au-dessous d’elle il y a la place suffisante pour loger la tinette. Par suite l’extraction de celle-ci se fait toujours par l’extérieur. Quand la chose est possible le système Goux est remplacé par le tout à l’égoût.

L’édicule est pourvu de persiennes ou de baies simplement

LES LOCAUX DISCIPLINAIRES

barricadées qui donnent sur le préau et tout l’intérieur est revêtu d’un enduit en ciment, quelquefois même de carreaux céramiques. La porte qui fait communiquer le cabinet avec la salle de discipline a une fermeture aussi hermétique que possible.

La faible largeur des cellules (l^jSO) ne permet pas de les doter d’un édicule, mais chacune d’elle est poun’ue d’un seau hygiéni¬ que. Il est disposé dans une niche pratiquée à la hauteur du dallage dans le mur de façade donnant sur le préau. Cette niche est fermée à l’intérieur et à l’extérieur par une porte en tôle, en sorte que le seau peut être retiré de l’extérieur. La porte extérieure est munie d’un dispositif particulier de fermeture pour éviter les évasions.

La question du lit de camp démontable, très facile à résoudre en théorie, l’est moins dans la pratique, car de crainte d’incidents fâcheux ou ne peut adopter qu’un système ne permettant pas aux détenus de démonter à volonté le lit de camp, mais réservant cette possibilité au gradé chargé de la surveillance des locaux discipli¬ naires. Voici comment le problème a été résolu :

On sait qu’un lit de camp se compose essentiellement d’une planche appelée sommier, sur laquelle s’étendent les hommes ; d’une têtière, sorte de madrier, destiné à servir d’appui pour la tête; d’une talonnière, contre laquelle viennent butter les pieds des dormeurs. Ces trois éléments sont supportés par un bâti fixé au sol et au mur.

Dans les casernements neufs toutes les parties du lit de camp, sauf le sommier et la têtière, sont métalliques.

Chaque planche est engagée du côté de la têtière dans la gorge d’un fer à U scellé au mur et elle repose du côté de la talonnière sur l’aile horizontale d’une cornière. Pour les lits de camp des postes de police on peut s’en tenir à cette disposition simple et il suffit, pour enlever une planche, de la soulever du côté de la talonnière et de la sortir de la gorge du fer à U en tirant à soi. Mais dans les salles de discipline il est nécessaire d’enlever aux punis tout moyen d’évasion, il est indispensable qu’ils ne puissent soulever à leur guise, les planches du sommier du côté de la talonnière, opération préliminaire et nécessaire pour les dégager du fer à U. Ou s’y oppose en plaçant au-dessus des planches une cornière que l’on fixe contre l’aile verticale de la première au moyen de boulons et d’écrous fortement serrés. Dès lors le démontage du lit de camp ne peut se faire qu’après avoir démonté d’abord cette cornière.

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opération qui ne peut être réalisée qu’au moyen d’une clef déposée au po.ste de police. Si le lit de camp a une extrémité libre, la dernière planche de ce coté est fixée à la talonnièrc et au fer à U par deux boulons à écrous qu’on ne peut dévisser également qu’avec la clef.

Telles sont les modifications essentielles affectées aux salles de discipline dans les nouveaux casernements. Mais ceux-ci ne consti¬ tuent qu’une infime minorité, de telle sorte que dans la grande majorité des casernes les locaux disciplinaires sont encore dans l’état déplorable que vous connaissez et il y aurait un intérêt de tout premier ordre à y introduire les dispositifs que nous venons de voir.

Il m’a semblé que la Société de médecine publique, qui a pris si souvent l’initiative de mesures fécondes, pourrait, avec la gi’ande autorité qui s’attache à ses travaux, entreprendre cette croisade hygiénique, et tenter de faire disparaître de toutes les casernes de France le lit de camp inamovible et l’immonde baquet.

Je n’ai pas la prétention de vouloir vous indiquer les voies et moyens à suivre pour atteindre ce but. Je ne me suis proposé qu’une chose : vous signaler une campagne digne de s’imposer à votre attention.

DISCUSSION

M. le D’’ Berthod. J’appuie très vivement les observations présen¬ tées par M. le D'' Granjux. Tous ceux qui ont fait leur service militaire savent combien il est urgent d’améliorer la situation si défectueuse des locaux disciplinaires des corps de troupe. On n’a pu oublier non plus qu’il y a quelques années, le fils d’un des plus respectés médecins de Paris y est mort brûlé, à Lille, ses cris n’ayant pu être entendus.

M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. La Société désire, sans doute, que la communication de M. le D'' Granjux soit transmise à M. le ministre de la Guerre. {Adopté.)

Assemblées extraordinaires des 9 et 2C décembre 1900

La Société des Ingénieurs sanitaires de France ayant adressé à la Société de médecine publique et d’hygiène professionnelle une proposition de fusion, deux assemblées extraordinaires’ ont été con¬ voquées à cet efl'et dans les formes statutaires.

Le principe de la fusion a été adopté.

I. La Société portera désormais le titre de Société d’hygiène publique et de génie sanitaire. *

SOCIÉTÉ DE MÉDECINE PUBLIQUE.

«

II. Les statuts seront modifiés comme suit :

Art. /". La Société d’hygiène publique et de génie sanitaire (anciennes «Sociétés de médecine publique et d’hygiène profession¬ nelle » et des « Ingénieurs et architectes sanitaires français » fusion¬ nées) a pour objet l’étude approfondie et la solution de toutes les questions d’hygiène et de salubrité.

Essentiellement scientifique, la Société est ouverte à toutes les personnes qui, par leurs titres, leurs études et leur compétence spéciale , sont capables d’apporter un concours efficace k l’étude de l’hygiène et de ses applications : ainsi médecins, vétérinaires, chi¬ mistes, physiciens, ingénieurs, architectes, etc., sont appelés à en faire partie.

Elle a pour but :

1“ De faciliter et d’encourager les recherches et les travaux rela¬ tifs à l’hygiène publique et k la police sanitaire, k la salubrité publique et privée , k l’assainissement des agglomérations urbaines et rurales ainsi que des habitations, k l’hygiène des professions, etc.;

D’aider au développement de la science et de l’art sanitaires, en tenant ses membres au courant des progrès réalisés en France et k l’étranger, et en travaillant k la diffusion de l’hygiène et de l’ensei¬ gnement professionnel.

Art. 10. La qualité de membre de la Société se perd : 1“ par démission; par la radiation prononcée pour motifs graves par l’assemblée générale , le membre intéressé ayant été préalablement appelé k fournir ses explications devant le conseil d’administration ; par le fait d’une condamnation k une peine afflictive ou infa¬ mante.

Art. iî. Le conseil se renouvelle par tiers chaque apnée. Les membres sortants sont rééligibles après une interruption d’une année.

Le nombre des membres assistant k ces assemblées n’étant pas suffisant statutairement, ces modifications seront soumises k une nouvelle assemblée.

La Société d'hygiène publique et de génie sanitaire se réunira le mardi 23 janvier, à 8 heures et demie du soir, à l’hôlel des Sociétés savantes.

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A. GAKTNER

L’ordre du jour de celte séance est ainsi lixé :

1” Installation du Bureau pour l'Jüi : Discours de M. le IV Laviîkan. président sortant et de M. BnouAHOBL, président pour 1001 .

2“ M. Géhabdin. Les odeurs de Paris.

3” M. GnA.NJux. De la double canalisation dans les locau: .jileclifs, et notamment dans les casernes, i"' M. Rkg.mur. La fièvre typhoïde à Paris en 1900.

LES MAITKES DE L’HYGIËNE A L'ÉTRANGER

A. Gartner

Professeur d'iiygièiio à rUiiiversilc d’icna.

Le professeur Gartner appartient à cette phalange brillante d’hygiénistes (pii peuplent aujourd’hui les chaires d’hygiène des Universités allemandes, et qui sont sortis du laboratoire de R. Koch, à Berlin, comme leurs prédécesseurs sortaient naguère du labora- roire deVan Pettenkolèr, à Munich. L’étude de la bactériologie a été pour eux le prélude de cette hygiène scientifique et expérimentale, qu’ils enseignent à leur tour dans les nouveaux laboratoires créés partout à cet eft’et.

M. Auguste Gartner est à üchtrup (Westphalie), en 1848. Il eommeiuja par être élève de l’Académie médico-chirurgicale mili¬ taire de Berlin (Institut de Frédéric-Guillaume) ; il passa ensuite deux ans à l’hôpital de laGharité de Berlin, fit deux années de service comme médecin militaire dans l’armée prussienne, puis servit pendant douze ans dans la marine allemande, dont trois années en Chine et deux ans et demi sur les côtes de l’Amérique occidentale. U futensuite appelé comme « Hiilfsarbeiter » à l’Olfice sanitaire impé¬ rial de Berlin, il fut l’élève particulier de Robert Kock dans la •section de bactériologie. En 1884 il quitta le Gesundseitsamt pour être envoyé à rUnivcrsitéd’léna, d’abord comme professeur extraor¬ dinaire, devint en 1880 directeur de rinstitut d’hygiène, puis professeur ordinaire en 1884. C’est lui ipii dirige actuellement le

LES MAITRES DE L’HYGIÈNE A L’ÉTRANGER. 49

nouvel Institut d’hygiène, que la munificence du célèbre opticien Cari Zeiss a fondé à léna, et au sommet duquel se dresse la statue du professeur Abbe, qui a fait faire tant de progi’ès à la science de l’optique et tant amélioré le bien-être social de la région.

Au nom du professeur Gartner s’attache la découverte d’un microbe et d’une toxine qui produisent certains accidents d’empoi¬ sonnement par l’ingestion de la viande de vache ou de veau; indépendamment de ses études classiques sur la valeur hygiénique des eaux, il a touché à presque toutes les parties de l’hygiène, comme nous allons le voir par l’énumération de ses travaux.

Ouvrages didactiques. Guide précis d'hygiène (Leitfaden de Hygiene); in-8“, édition Berlin-1892; 3“ édition, 1893, 462 pages. Ce ouvrage classique a été traduit en quatre langues, en français par les médecins belges, A. Vanderstraeten et Hanquet. Les éditions succes¬ sives ont été grandement améliorées et augmentées. Dès son apparition en 1892, ce livre a été justement loué ici même {Reuue d'hygiène, 1892, p. 1011), par un juge très compétent, notre collègue et ami J. Arnould.

Heükunde (Eléments de médecine) ; c’est un fascicule de l’ouvrage intitulé : Guide pour les observations scientifiques en voyage (Anleitung zu wissenschaftlichen Beobachtungen auf Reisen) édité par le Neu- mayer, à Berlin, en 1888. Prophylaxie de la transmission et de la propagation des maladies infectieuses , chapitre du Handbuch der speciellen Thérapie innerer Krankheiten , de Penzold et Stintzing , 2' édition, léna, 1898. Une série d’articles sur l'hygiène scolaire, dans le grand Traité de pédagogie de Rein, édité à Langensalza, 2* édi¬ tion, 1900.

Hygiène navale. Mémoire sur La veniLalion à bord du vaisseau « Sachsen » (Viertelijahrsschrift fur ôffentliche Gesundheitspflege, 1881).

Guide potir l'inslruciion sur la désinfection des vaisseaux et des bateaux de transport de la marine royale : supplément au Règlement sanitaire de la marine, publié par l’Amirauté en 1884. Essai sur l'hy¬ giène à bord des navires de commerce, 1 vol. in-12, de 240 pages, 2* édition en 1899; ouvrage publié par l’Office sanitaire impérial de Berlin. Sur le perfectionnement de l'instruction à donner aux médecins de la marine marchande (Deutsche medizinisclie Wochens¬ chrift, 1896).

Hygiène spéciale. Empoisonnement par la viande à Frankenhau- sen, et recherches sur son pnncipe actif (Correspondenzblatter des allgemeinen aertzlichen Vereins von 'fliuringen , 1888 , et Revue d'hygiène, 1889, p. 366 et 839). A la suite de cette sorte d’épidémie, l’auteur a découvert dans le sang de la vache consommée, il a cultivé et inoculé un bacille pathogène spécial, auquel on a donné son nom (bacillus enteritidis de Gartner), qui parait être distinct du bacillus botulinus de van Ermengem. Examen critique d'une loi de l’Empire REV. d’iiyg. XX III. 4

A. GARTNER

concernant l’inspection des abattoirs et de la viande (Deutsche medicinisclie Wochenschrift, 1899). Les seiwices de poupée (jeux d’enjants) en élain plombifère sont-ils nuisibles? (Viertelj. für gerichtli- che Medizin und ôffenlliches Sanilâlswesen, 1899, T. 18'). Bien que cet alliage contienne de 30 à 40 pour 100 de plomb, ces jouets n’ont jamais oaiisé aucun empoisonnement, parce qu’on s’en sert à sec. Avantages et inconvénients du système séparé pour les eaux pludtales dans la canalisation des villes (Deutsche Viertelj. für ôff. Gesundheitspflege, 1898, T. 30', et Revue d’hygiène, 1898, p. 828). Rapport et discussion au Congrès de Carlsruhe; opinion éclectique. Le système des fosses mobiles à Weimar (Gesundheits-Ingenieur, 1891, n“ 11 et 12). La canalisation de la ville de Manheim (Thiergarlen, Carlsruhe, 19 mars 1899). Avis et rapport au Ministère de l’intérieur. Dans quelle mesure l’acide phénique ou l’acide sulfureux peuvent-ils détruire les orgasiismes inférieurs, en collaboration avec le D' Schotte (Viertelj. f. ôff Gesundh. 1880). De l'action désinfectante des solutions aqueuses d’acide phénique, avec Plagge (Langenbeck’s Archiv für Chirurgie, 1883, T. 32').

De la poussière de tourbe comme désinfectant des matières fécales. (Zeitschrift für Hygiene und Infectionskrankheiten, 1894, T. 18', et Revue d’hygiène, 1894, p. 995). De la deslruclion des germes morbi¬ des dans les fumiers et les composts (Zeitschrift -für Hygiene und Infectionskrankheiten, 1898, T. 28', et Revue d’hygiène, 1899., p. 158).

Les désinfectants, \la préservation personnelle, les maisons salubres (In Taschenbuch der Krankenpflege, von L. Pfeiffer, Weimar, 1900). L'hérédité de la iuberbulose : Ueber die Erblichkeit der Tuberculose (Zeitschrift für Hygiene und Infect. 1893, T. 13°, p. 101 à 250) : mono¬ graphie importante, avec expériences nombreuses sur les animaux; la conclusion est que chez l’homme, le père ne transmet pas la tuberculose au produit de la conception. Analyse très détaillée dans la Rerae d’hy¬ giène, 1893, p. 341). Recherches sur les moisissures du salpêtre décrites par Stutzer et Hartleb (Centralblatt für Backteriologie, 1898, T. 4®, n“ 1). Il consteste et nie le rôle et même l’existence de ces germes producteurs de la nitrification. De la production d’oxyde de carbone dans les locaux habités, par l’emploi de poêles et de chauffe-bains à rampe de gaz (Schilling’s Journal für Gasbeleuchtung und Wasserversor- gung, Munich, 1900). Quand l’apport de l’oxygène est insuffisant dans un local étroit et non ventilé, les becs qui brûlent en bleu s’éteignent, et le gaz non brûlé, riche en oxyde de carbone, produit l’intoxication. Sur la proportion d’oxygène contenue dans les appareils de chauffage à circulation close (Gesundheits-Ingenieur, 1900, 7).

Hygiène de l’eau. Manuel pour l’examen et l’appréciation de l’eau (Tiemann-Gârtner’s Handbuch der Untersuchung und Beurlheilung der Wasser, in-8“ de 840 pages, Braunschweig, 1895, 4' édition). Cet ouvrage considérable, classique depuis longtemps en Allemagne, a passé par beaucoup de transformations et d’éditions successives depuis le premier essai de Kubel en 18G6, de Tiemann en 1874. Les deux dernières éditions ont de Walter, de Fribourg, pour la chimie, et de Gartner pour la bacté-

BIBLIOGRAPHIE 51

riologie. C’est aujourd’hui un ouvrage extrêmement complet, l’on trouve réuni tout ce qui concerne l'origine, le contrôle hygiénique, l’expertise et l’analyse des eaux de tou'tes sortes. L’apprécialion de la valeur hygiénique des eaux de boisson et d’usage domestique, d'après l’état actuel de la science. (Rapport et discussion au Congrès international de Vienne en 1887). Bactéries pathogènes et saprophytes dans leurs rapports avec l’eau de boisson. (Correspondenzblâtter et congrès de médecine de Thuringen, 1888. Sur les causes de la fièvre typhoïde swvenueà Soeft, 1892. Hygiène de l'eau de boisson (Rapport au Congrès international d’hygiène de Budapest, en 1894). Sur les méthodes pour apprécier la possibilité d'infection d'une eau de boisson (Mémoire pour le centenaire de l’Institut Frédéric-Guilleaume, Berlin-Schumacher, 1895, in-8“ de 1-34 p. avec planches). La question de l’eau à Di-esde. (Hygienische Rundschau, 1898, n“* 2 et 3). La nouvelle conduite d'eau à Belgrade (léna-Hermann Pohle, 1897, brochure de 88 pages). Avis demandé par la municipalité de Belgrade (Serbie). L’hygiène de l’eau de boisson (Berlin- Karger, 1897, in-8‘’ de 1-38 p.). Rapport fait à la section de chimie, à l’Exposition professionnelle de Berlin en 1896. Expériences faites aux Etats-Unis sur la filtration par le sable (Schilling’s Journal für Gasbeléuchtung und Wasserversorgung, 1900). Analyse et critique du grand rapport (600 pages) de G. W. Fuller, sur les bassins servant à la filtration de l’Ohio pour le service d’eau do Cincinnati. De l'eau de source dans ses rapports adec les eaux phréa¬ tiques ou souterraines comme agent de transmission de la fièvre typhoïde, 1901. En cours de publication.

Comme on le voit, l’œuvre du professeur Gartner est considérable; elle donne la mesure d’une activité peu commune, et qui s’est particu¬ lièrement accrue en ces dernières années. M. Gartner a pris une part active au Congrès internaticùial d’hygiène de Paris l’année dernière et nous avons le plaisir de le rencontrer depuis vingt ans dans la plupart des Congrès qui ont eu lieu en Europe. 11 parle d’ailleurs aisément le français, l’anglais et l’espagnol, et il montre dans tous ses écrits qu’il est fort au courant de la littérature hygiénique de ces divers pays.

BIBLIOGRAPHIE

Hygiène et morale, élude dédiée à la jeunesse, pai’ M. le D"" Paul Good.

Le but poureuivi par l’auleur est assurément très louable. Il proteste contre ce dicton : d II faut que jeunesse se passe. Il démontre qu’on

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peut et qu’on doit garder sa virginité jusqu’au mariage, si tardif que soit celui-ci. Une seule défaillance, en effet, si l’on pousse les choses à l’ex- Irôme, peut donner du même coup : une blennorrhagie, une ophtalmie purulente, une orchite double suivie de stérilité, un chancre infectant, suivi de phagédénisme et de syphilis constitutionnelle qui infectera plus tard l’enfant et l’épouse. 11 démontre enfin que jamais la continence n’a produit aucune maladie ni aucun accident morbide.

Cette brochure, d’un excellent style, rappelle ces conférences intro¬ duites depuis quelques années en France sous les auspices d’un vénérable pasteur anglais, M. Mac-All, des missionnaires vont prêcher la morale dans les établissements publics de nos ports et de nos grandes villes. C’est une conférence très bien faite, en faveur de la ligue dite de la « Croix blanche b (rue de Trévise, 14, à Paris), dont tous les adhérenUs prennent l’engagement d’observer les lois de la pureté. Nous avons vu que l’auteur a présenté sa brochure au concours pour le prix Clarens, à l’Académie de médecine. L’Académie a institué, grâce à la générosité d’un donateur, non un prix de vertu, mais un prix d’hygiène, et il faut bien reconnaître qu’en celte question la morale et les responsabilités sociales l’emportent de beaucoup sur l’hygiène. Toutefois, le but de la brochure est excellent, la tendance irréprochable, et l’on ne peut qu’ap¬ plaudir à de tels étions. E. Vallin.

REVUE DES JOURNAUX

La slérilisalion de la syphilis, par le jirofesseur Fournier (liullelin médical, 3 novembre 1900).

Sous ce litre original et très exact , M. Fournier expose dans une leçon clinique faite à l’hôpital Saint-Louis comment on peut empêcher une syphilis de se propager, la rendre improductive, par conséquent sté¬ rile. Nous n’insisterons que sur le point le plus important de celte leçon.

La plaque muqueuse réalise un nombre de contagions infiniment plus grand que le chancre, vingt fois sur vingt, c’est une plaque muqueuse buc¬ cale ou génitale qui transmet à l’épouse la syphilis d’un mari qui s’est marié prématurément. Le porteur d’une petite’plaque muqueuse, indolente, peu visible, ne se doute pas de l’existence (de son mal. Le véritable danger, celui sur lequel M. Fournier ne cesse d’insister, c’est l’ignorance, l’incon¬ science complète des malades au point de vue du danger des formes de la syphilis autres que le chancre. Celui-ci, ancien syphilitique, ne savait pas qu un misérable bobo à la lèvre pouvait contaminer sa maîtresse, sa femme, son enfant ou sa mère. Cet autre, qui n’a plus rien et qui s’est bien soigné pendant six mois de l’année dernière, ne connaissait pas les dangers d’un mariage prématuré; « on ne lui a jamais dit » qu’il l'allait

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se soigner pendant cinq ans au moins avant de se marier; » on ne lui a jamais dit ■> que son enfant, à lui qui n’a plus rien, pouvait contagionner une nourrice !

C’est donc le devoir de l’hygiéniste et du médecin de faire l’éducation des malades qui ont eu la syphilis. Il faut le faire dans le cabinet intime de consultation, dans la salle de l’hôpital, à des consultations gra¬ tuites qui ne devraient pas être odieusement publiques ; à cette consulta¬ tion comme à l’hôpital, on devrait remettre au malade une instruction imprimée qu’il garderait, qu’il lirait à loisir et qui lui donnerait tous les conseils nécessaires pour son traitement et pour l’avenir de sa vie. Dans les hôpitau.x spéciau.x de syphilitiques, on pourrait faire des conférences publiques à ces malades, et leur distribuer des brochures concernant î’hygiéne spéciale au point de vue de cette infection. Pour les femmes se livrant à la prostitution publique ou clandestine, l’hospitalisation pour une maladie syphilitique devrait être de droit, dans l’intérêt de tous, au moins pendant tout le temps le mal peut être contagieux ; c’est ce qu’on vient de tenter en Italie. Mais les hôpitaux seront toujours insuffisants, on ne peut y retenir de force des malades pendant un temps parfois très long : il faut donc compter surtout sur le traitement à domicile et sur des consultations extérieures bien aménagées ; nous y reviendrons tout à l’heure.

Les abolitionnistes, inspirés par le piétisme anglican, forment une véritable jVrmée du Salut qui combat la surveillance administrative de la prostitution et l’internement des prostituées reconnues malades. Les argu¬ ments qu'invoque depuis 187.o la Fédération britannique continentale et générale sont les suivants :

1“ La réglementation est insuffisante, par conséquent inutile ; elle s’adresse à Paris à 5,000 femmes alors que 50,000 femmes vivent de la prostitution. C’est comme si l’on disait ; Les gendarmes n’arrêtent pas tous les voleurs, donc supprimons les- gendarmes ;

2“ La syphdis est plus fréquente dans les pays à réglementation que dans les pays la prostitution est réglementée. Vous le dites, mais vous ne le prouvez pas ;

3“ La réglementation est ini(iue, parce qu’elle s’adresse aux femmes et non aux hommes. La prostitution est une industrie exclusivement fémi¬ nine, au moins en France ; de plus on visite à chaque occasion, en vue de la syphilis et des maladies vénériennes, les soldats, les marins, etc. :

La réglementation soumet la femme à un pouvoir arbitraire, dit-on. C’est pour cela que beaucoup demandent qu’une loi soit substituée à l’arbitraire policier;

5“ La réglementation est une provocation à la débauche, de par la fausse sécurité que promet la visite médicale : l'Etat et les médecins sont complices du vice en faisant espérer l’immunité. Mais l’Etat ne recom¬ mande pas les femmes qu’il surveille; pas plus que le préfet de police à Paris ne garantit la pureté du vin débité sur les comptoirs en zinc, par cela seul qu’il en fait surveiller les adultérations par les experts du laboratoire municipal ;

6“ La visite médicale est une infamie, un outrage, une insulte à toutes

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les femmes dans la personne de « nos sœurs ». M. Fournier pense qu’on procurerait un instant de folle gaieté aux filles en leur apprenant qu’elles ont été outragées par le spéculum, alors qu'elles passent leurs journées et leurs nuits à provoquer des outrages autrement graves pour » le ber¬ ceau de l’humanité ».

Ce sont de tels arguments qui ont permis au parti abolitionniste d’obte¬ nir du parlement anglais en 188G le retrait des Acts, c’est-à-dire l’abro¬ gation de toute surveillance sur la prostituée dans tout le Royaume-Uni ! On a cherché à obtenir le même résultat à Genève par un referendum populaire en 1896 ; mais le bon sens populaire a fait échouer cette tenta¬ tive de personnes plus généreuses et naïves que pratiques et avisées. Pour M. Fournier, l’abolitionnisme est une » énorme erreur hygiénique ne pou¬ vant aboutir qu’à une véritable calamité sociale ». Le tort des abolition¬ nistes est de ne pas se préoccuper de ce fléau de l’espèce humaine qu’est la syphilis ; ce qui est souci pour eux n’est pas la majadie, c’est l’état d’àme de l’homme qui a péché. « Que l’homme qui s’abaLsse jusqu’à entrer dans une maison de tolérance pour y satisfaire sa passion charnelle puisse en rapporter une maladie honteuse, nous ne trouvons pas cela mauvais, et nous ne perdrons pas de temps à nous apitoyer sur son sort » ; et plus loin : « La syphilis est un mat parfois utile et salutaire... un mal que Dieu a envoyé pour corrompre la chair luxurieuse ». Ainsi, voilà textuellement ce qu’écrivent les abolitionnistes. Un médecin éprouve quelque honte à reproduire de telles paroles !

La conclusion de M. Fournier, c’est que la syphilis, qui exige un trai¬ tement très long, s’accommode mal de l’hôpital l’on n’a ni le temps, ni la place, ni l’argent nécessaires pour garder les malades si longtemps ; la syphilis doit surtout être traitée par des consultations externes. Celles- ci fonctionnent actuellement très mal ; elles sont encombrées, d’accès difficile pour le malade qui y perd une demi-journée sinon une journée de travail, par conséquent onéreuses et non gratuites ; elles sont déso¬ bligeantes, inconvenantes, inhumaines, révoltantes, car une honnête femme à qui son mari a donné la syphilis est obligée de faire sa confes¬ sion publique devant la foule des malades et de s’exhiber nue devant eux. 11 demande des dispensaires spéciaux pour le traitement des maladies vénériennes, dispensaires officiels, nombreux et très bien répartis, fonction¬ nant aux jours et aux heures propices pour les malades (le dimanche matin et quelques soirs par semaine), avec distribution gratuite et immé¬ diate de médicaments et d’une instruction élémentaire et imprimée éclai¬ rant le malade sur les dangers de la syphilis. A 1’ « ignoble » consultation publique actuelle, M. Fournier demande par-dessus tout qu’on substitue une consultation individuelle, unipersonnelle, privée, secrète, analogue à celle que donne le médecin à ses clients payants. M. Fournier voudrait même que le traitement des vénériens et syphilitiques fût confié à des médecins recrutés par concours spéciaux et constituant un corps analogue à celui des accoucheurs des hôpitaux.

Il faut faire une ligue contre la syphilis, comme on crée des ligues contre la tuberculose et l’alcoolisme. La société dispose pour cela de moyens d’ordre moral et religieux sur lesquels il ne faut pas trop compter ; de mesures

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de surveillance el de répression contre la prostitution, el’l’on ne peut s’en passer, bien qu’elles soient toujours insuffisantes ; enfin, de mesures d’ordre médical, c’est-à-dire la prophylaxie par le traitement et le mode de cure. C’est par ce dernier ordre de moyens qu’on arrivera le mieux à stériliser la syphilis.

Nous avons analysé aveu quelques détails cette très intéressante leçon clinique, parce qu’elle reproduit les principaux arguments qu’un maître compétent par excellence a fait valoir l’an dernier à l’Académie de méde¬ cine et à la conférence internationale de Bruxelles pour la prophylaxie de la syphilis et des maladies vénériennes (septembre 1899). Puissent ces vœux se réaliser sans trop tarder ! E. Vallin.

Instructions contre les maladies vénériennes (Bulletin de la Société médicale des hôpitaux, séance du 22 juin 1900, p. 819).

A la suite d’une communication faite par le D'' A. Renault, le 18 mai dernier à la Société médicale des hôpitaux , celte Société a chargé une commission composée de MM. Moutard-Martin, Alex. -Renault, Balzert Siredey et Hudelo , rapporteur, de rédiger une instruction qui pourrait être mise aux mains de tout vénérien qui vient prendre une consultation à l’hôpilal et môme dans la clientèle privée.

Cette instruction comprend une première partie pour la blennorrhagie, la seconde pour la syphilis.

Dans la première, on insiste sur la nécessité d’un traitement ipédical, l’abstention de tout rapport vénérien jusqu’à guérison complète, le dan¬ ger pour lui d’ophtalmies parfois terribles ; le danger du mariage quand la guérison n’est pas radicale , définitive, la moindre trace exposant à la contagion la nouvelle épouse, qui ne cessera désormais de souffrir du ventre et deviendra vite une infirme vouée aux opérations chirurgicales et à la stérilité, sans compter que les enfants en naissant peuvent prendre par les yeux la blennorrhagie maternelle et devenir aveugles.

D’autre part , on rappelle que la syphilis se transmet par les plaies des organes génitaux, de l’anus, de la gorge, de la langue, des lèvres, par les rapports sexuels , le baiser, les contacts directs, l’usage des verres, cuillers, fourchettes, pipes, cigares, jouets, linges souillés du virus syphi¬ litique. Après les recommandations usuelles , on insiste particulièrement sur les points suivants : la syphilis se transmet du père à l’enfant qui meurt en naissant ou peu après la naissance. Il ne faut jamais confier ces enfants à une nourrice. Quand on a eu la syphilis, on ne doit pas se marier avant plusieurs années et sans la permission expresse du médecin.

La syphilis ne guérit que par un traitement prolongé, de plusieurs années, surveillé par le médecin. Le syphilitique ne doit jamais oublier qu’il a été atteint de cette maladie; môme après dix, vingt, trente ans, il doit, s'il tombe malade, faire au médecin qui le soigne l’aveu de cette ancienne affection.

Ces conseils très sages , d’une forme concise et à la portée des diffé¬ rentes catégories de malades , ont été approuvés par la Société médicale

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des hôpitaux; if serait bon d’en reproduire le texte intégral chaque année dans les annuaires médicaux qui sont entre les mains de tous les praticiens. E. V.

La tuberculose et l’hygiène alimentaire, par M. Martel {Presse médicale, 22 septembre 1900, p. 210).

Dans cette revue très bien faite, M. Martel utilise un grand nombre de documents qui, pour la' plupart, ont été analysés dans la Revue d'hygiène en ces dernières années. Nous nous bornerons à lui emprunter quelques faits nouveaux ou moins connus. D’un tableau dressé par Nocard et Leclainche, il résulte que le lait vendu communément dans le commerce contient le bacille tuberculeux dans les proportions suivantes {Maladies microbiennes, 2’ édition, 1898, p. 653) ; il est bon que ce tableau reste constamment sous les yeux des médecins et du public :

L’on sait que pendant l'écrémage mécanique par les appareils de centrifugation la majeure partie des bacilles, plus lourds que la crème, passent dans le petit lait ou restent accolés à la face interne de la turbine; or certains éleveurs nourrissent leurs porcs avec les bas-beurres . et les petits laits provenant de ces appareils, ainsi qu’avec les boues de tur¬ bine. C’est une cause fréquente de tuberculisation des porcelets, et il y a quelques mois à l’abattoir de Hambourg le service d’inspection constatait la tuberculose de 76 porcs sur 80 provenant d’une ferme

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l'OQ alimentait ces animaux avec de tels résidus. Même observation a été faite à Bromberg, il y a quelques années, mais sur une échelle bien plus restreinte (Winter, Zeitschrift f. Fleisch-und Milchhygiene, 1900).

Pour éviter ces accidents on a prescrit, depuis 1893, en Danemark, de stériliser les bas-beurres à -f 85°, et de détruire par le feu les boues qui restent adhérentes aux turbines. Cette dernière mesure est prescrite depuis le !“'• janvier 1900 en Saxe-Weimar.

Il semblerait d’après cela que le beurre et la crème, au moins quand ils ont été fabriqués avec les appareils modernes, devraient être à l’abri du bacille tuberculeux; il n’en est rien cependant. Nous avons signalé plusieurs fois les travaux de Pétri et M"' Lydia Robinoviich, prouvant l’existence dans le beurre d’un pseudo-bacille tuberculeux qui res¬ semble beaucoup au bacille de Koch, mais qui n’est pas virulent; cela diminue la valeur des recherches plus anciennes. Cependant Hornemann et Morgenroth ont trouvé le vrai bacille tuberculeux dans un échantillon de beurre sur 3 examinés, et dans 3 fromages sur 15. Asher l’a rencontré 2 fois sur 27 beurres de 22 provenances; la moyenne est sans doute entre ces deux extrêmes. Le danger ne cessera que lorsque toutes les vaches des étables et des éleveurs seront contrôlées par la tuberculinisa¬ tion périodique, d’après le programme de Bang et de Nocard. Le peu d’empressement des laitiers-nourrisseurs de Paris à profiter du service de tuberculinisation gratuite établie au marché de la Villelte par le préfet de police, depuis le 1“' janvier 1897, n’est pas encourageant.

La seule garantie est donc l’ébullition du lait; mais il ne faut pas oublier que le lait monte à la température de + 80, insuffisante pour tuer rapidement le bacille; il est indispensable de pousser jusqu’à la véritable ébullition qui se produit à 101“, 5 et qui doit être maintenue pendant cinq minutes. En Danemark, on pasteurise la crème avant le barattage du beurre ; c’est une mesure qui a été facilement acceptée par l’industrie laitière de ce pays ; nous avons déjà dit qu’une prescription y interdit la sortie des bas-beurres des laiteries avant la pasteurisation à H- 85“ ; elle a pour effet d’amener les industriels à pasteuriser la crème. Lehmann a constaté qu’au bout de dix minutes, le crème chauffée à ce degré ne contenait plus que 7,000 bacilles par centimètre cube au lieu de 10 millions. C’est encore trop.

Quant à la viande, on sait que les expérimentateurs n'ont pour ainsi dire jamais pu jusqu’à présent tuberculiser les animaux! en leur faisant ingérer de la viande crue d’animaux tuberculeux; les sucs digestifs détruisent presque toujours la vitalité du bacille, tandis que l’injection sous-cutanée du suc musculaire produit quelquefois l’infection. Il y a toutefois une distinction à faire ; les muscles des régions riches en lyrapathiques (région carotidienne, bavette d’aloyau, gîte à la noix « hampe » ou diaiihragme, c onglets » ou piliers du diaphragme, filet, etc.) sont à ce point de vue plus dangereux que le rumpsteck, le beefsteck, la tranche, l’entrecôte, le faux filet, qui proviennent de régions pauvres en lymphatiques. C’est dans cette seconde catégorie qu’il faut- choisir les morceaux destinés à préparer la viande crue ou le suc de viande pour les malades. C’est seulement dans les cas de tuber-

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culose miliaire, de granulie (Bang), que le sang des animaux est par¬ fois virulent au moment des poussées aiguës ; mais le saug se debar¬ rasse très vile des bacilles tuberculeux qu’on injecte artificiellement dans la circulation d’un animal; quelques heures après l’injection ce sang n’est plus virulent, et les muscles de la région ne le sont plus au bout de quatre à six jours. Les bacilles sont arrêtés par les ganglions lymphatiques; il est donc utile d’enlever les ganglions adhérents aux muscles. La cuisson de la viande fait d’ailleurs disparaître presque absolument le danger d’infection. C’est donc sur le lait, la crème, le beurre et les fromages non cuits que doit se concentrer l’attention.

Il importe de vulgariser ces notions parmi les médecins, les bouchers et les consommateurs. E. Vallin.

La tuberculose dans l’hdpital maritime de Brest, par le D' Auffret, directeur du service de santé à Brest (Archives de médecine navale, juin 1900, p. 401-460.)

De cette longue et intéressante étude, M. Auffret conclut que la tuber¬ culose a plutôt augmenté depuis trente ans dans la population des 7,000 ouvriers civils employés dans les ateliers de l’arsenal à Brest. La mortalité par tuberculose est au-dessous de la moyenne de 18 à 39 ans, mais elle est au-dessus de Cette ligne de 39 à 50 ans. Sur 100 décès, par causes internes, il y en a la moitié par maladies tuberculeuses. M. Auffret et M. Salanoue-Ypin ont recueilli la poussière des ateliers planchéiés, à l’aide de petits tampons d’ouate humide ; cette poussière a été inoculée par voie intra-péritonéale à 24 cobayes : 4 sont devenus manifestement tuberculeux. Aucune mesure n’est prise pour empêcher les ouvriers de cracher par terre. Quand un ouvrier tousse ou devient tuberculeux, les règlemenU actuels ne permettent pas de le réformer. Il quitte l’atelier pendant la poussée morbide, on le reprend pendant les trêves de la maladie. Ces retours temporaires sont la cause principale de la conta¬ mination des ateliers. Il faudrait trouver une formule conforme à la fois à l’humanité, à la prophylaxie, et aux intérêts de l’Etal. M. Auffret pro¬ pose de « congédier l’ouvrier malade, en lui accordant le bénéfice d’une « gratification renouvelable calculée proportionnellement à la durée de « ses services et prise sur la somme que l’Etal perd tous les ans (soit « 40,000 francs par le fait de la tuberculose dans l’arsenal de Brest) ».

D’après M. Auffret, les soins prophylactiques et spécialement l’élimi¬ nation de l’atelier des ouvriers tuberculeux ne pouvant que faire baisser le nombre des malades, le chiffre des gratifications ne tarderait pas à diminuer progressivement lui-même, et dans la même proportion.

E. Vallin.

TubercuLosi e malrimonio, par le prof. R. Massalongo, de Vérone (Giornale délia R. Società ilaliana d'igiene, 31 août 1900, p. 337).

Dans cette communication faite au Congrès médical lombard-véni¬ tien, qui a eu lieu à Padoue le 16 juin dernier, le professeur Massalongo indique les mesures à prendre pour empêcher les mariages entre luber-

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culeux de propager la tuberculose. Voici le résumé de ses conclusions :

Bien que la contagion soit la cause principale de la diffusion de la tuberculose et que la tuberculose héréditaire soit très rare, il n’est pas douteux que ceux qui sont nés de tuberculeux sont prédisposés à la maladie. Il n’est pas possible, dans l’état de nos mœurs et de nos lois, de défendre le mariage entre tuberculeux. Mais on peut prendre des mesures pour diminuer les dangers de ces mariages. Il faut répandre dans le public la notion des dangers graves résultant des unions entre tuberculeux et descendant de familles tuberculeuses ; des inconvénients des mariages précoces ; de l’absolue nécessité d’attendre un silence complet de tout symptôme ou de toute lésion pendant deux ou trois ans et de prendre l’avis du médecin avant de contracter une telle union ; de la nécessité do rendre par tous les moyens possible do telles unions stériles ; d’éloigner du foyer domestique, dès leur naissance, les enfants nés de ces unions toutes les fois qu’un des conjoints est atteint de tuber¬ culose en évolution (in corso) et de surveiller rigoureusement l’hygiène de ces enfants jusqu’après la puberté.

Le professeur Massalongo aurait dù, selon nous, limiter la nécessité d’éloigner les enfants nouveau-nés de la maison des parents au cas l’un des conjoints est atteint de tuberculose ouverte. E. Valun.

üeber die Dauer der Lebensfàhigkeit der mit feinlslen Trôpfchen versprüxten Mikroorganmnen (Durée de la survie des mièrobes trans¬ portés par les gouttelettes) , par Fritz Kirstbin (Zeitschrift fur Hygiene und Infections-Krankheïlen, 1900, XXXV, p. 123).

Flûgge a insisté sur le rôle que jouent dans la propagation des maladies infectieuses les gouttelettes minuscules projetées dans l’air et transportant des microbes pathogènes.

Pour établir réellement l’importance de la dissémination des microbes par cette voie, il ne suffit pas d’établir que les gouttelettes peuvent être portées à une certaine distance. Il faut voir pendant combien de temps elles restent en suspension, ce qu’elles deviennent une fois déposées contre les parois , s’assurer de la durée de la vitalité des germes. Ce sont les points que Kirstein a cherché à approfondir dans le laboratoire de Gaffky à Giessen, au moyen d’expériences nombreuses et délicates, nécessitant des dispositifs ingénieux.

Les résultats auxquels il a été conduit tendent à réduire dans des pro¬ portions fort sérieuses l’importance de ce nouveau facteur étiologique.

Sans doute, dans les premières recherches, il a constaté que les bactéries disséminées par le spray peuvent être transportées dans toutes les parties d’un bâtiment aux divers étages et d’une façon régulière. Mais dans ces pièces les colonies, si nombreuses aussitôt après, sont e.xtrèmement rares le lendemain. Cela tient à ce que les bactéries disséminées de cette façon meurent très rapidement, surtout quand elles sont exposées à la lumière. Il existe une différence énorme entre la résistance de bactéries ainsi dis¬ persées et celles des bactéries imprégnant des objets comme la soie ou le fil.

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L’auteur a recherclié plus particulièrement les limites de la survie du bacille prodigiosus , de la levure rose et du bacille typhique dans ces conditions. On ne trouve plus de bacilles prodigiosus après plus de vingt et une heures, de bacilles typhiques après plus de vingt-trois heures.

La levure rose résiste plus longtemps.

Ces différences de résistance des bactéries en gouttelettes et des bac¬ téries imprégnant les tissus s’expliquent sans doute par ce fait que dans les gouttelettes les bactéries sont rares et isolées. Netter.

Désinfection de la bouche des convalescents de diphtérie, par Maether. {Deutsche müitdruit. Zeitsch., 1900, p. 241. Analysé in Archives de médecine militaire, août 1900, p. 177.)

L’on sait quelle est la persistance du bacille de LoeHler dans la bouche des convalescents de diphtérie. Le D’’ Maether est arrivé, après de nom¬ breux essais, à d’excellents résidtats en opérant de la façon suivante. Il faut d’abord dissoudre le mucus qui recouvre les surfaces, s’accumule dans les cryptes muqueux, dans les lacunes des amygdales, et qui empêche d’une façon presque absolue les liquides antiseptiques d’atteindre les bacilles. Il emploie à cet effet des gargarismes contenant 4 grammes à 7,30 de carbonate d’ammoniaque pour 730 grammes d’eau. La garga- risation doit durer au moins une demi-minute et être renouvelée plusieurs fois de suite. L’on procède ensuite à la désinfection au moyen d’une solution faite en ajoutant à 730 grammes d’eau simple 73 grammes d’eau oxygénée, c’est-à-dire 73 grammes de la solution commerciale «-à 10 p. 100 », dit l’analyse; c’est sans doute ce qu’on appelle la solution à 10 volumes. Cette dilution qui n’est pas irritante tue rapidement les cul/wres fraîches de bacilles- diphtériques ; mais elle est complètement inefficace quand on l’emploie directement pour désinfecter la bouche, parce que le mucus buccal l’empêche d’atteindre les bacilles. Il est donc indispensable de dissoudre d’abord le mucus par le carbonate d’ammo¬ niaque à 1 p. 100. E. Vallin.

Typhus epidemieen und Trinkwasser (Epidémies de typhoïde et eau de boisson), par le Professeur Krose (de Bonn), {Centralblatt fur allge- meine Gesundheitspflege, 1900, p. 34).

La ville de W..., comptant 13,000 âmes, avait passé une longue période indemne de typhoïde, lorsqu’on octobre 1897 éclata une épidémie qui donna un total de 167 cas avec 12 décès; le sommumeut lieu dans les deux premières semaines de novembre avec 33 et 33 cas, le reste s’échelonna jusqu’en mars avec des totaux hebdomadaires variant de 19 à 0. On incrimina de suite l’eau de la distribution municipale prove¬ nant de la nappe souterraine ; 633 maisons rattachées à cette canalisation donnèrent 149 cas dont 108 jusqu’à la mi-novembre, tandis que 1,200 maisons n’ayant pas recours à cette eau n’eurent que 18 cas dont 7 jus¬ qu’à la même date. Cette répartition justifie l’accusation. Les deux groupes de maisons avaient à peu près la même population, parce que le

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premier comprenait de grands immeubles à étages, tandis que le second de construction plus ancienne se composait d’habitations pour une seule famille ; en résumé le premier a eu quinze fois plus de malades que le second.

Une petite ville voisine, G..., de 2,000 habitants, était pourvue d’un branchement provenant de la môme nappe souterraine et approvi¬ sionnant seulement un certain nombre de maisons, les autres recevant l’eau d’une source' locale ; il y eut à G. . . 32 cas de typhoïde, dont 27 pen¬ dant les six premières semaines de l’épidémie et 20 appartenant aux maisons en question. Ce fait corroborait l’hypothèse de l’infection de la nappe souterraine ; mais il ne fut pas possible de trouver à la prise d’eau, ni sur le parcours des conduites la cause de la contamination ; on fut forcé d’admettre que toute la nappe avait été souillée par des fissures de roches, à moins que la filtration à travers le sol dût été en défaut, ce (jui compromettrait beaucoup la confiance généralement donnée à ce mode d’épuration.

En 1899, une nouvelle épidémie survint ; mais elle se limita à G... et donna de juin à septembre 148 cas avec 11 décès: sur 2,000 habitants 7,4 p. 100 furent atteints et 0,53 p. 100 succombèrent: ces chiffres indi¬ quent suffisamment la sévérité de la maladie. Malgré sa brusque appari¬ tion, on ne songea pas cette fois à la souillure de l’eau, pai'ce que la ville de 'W... ne présentait aucun cas et parce que l’eau de source qui ali¬ mentait la majorité des maisons de G... avait une réputation séculaire hors de conteste. Mais une enquête demandée à l’Institut d’hygiène de Bonn, obligea à examiner de plus près le captage de la source, émer¬ geant d’une coltine à proximité de ta ville : on apprit que dans une maison situé à 1.3 mètres au-dessus de ce point un malade avait été atteint de typhoïde en mai ; la projection de ses déjections dans une fosse perdue et la pénétration des liquides infectés jusqu'à la source expli¬ quaient largement la contamination de cette eau d'une renommée intan¬ gible.

L’étude de la répartition des cas suivant l’alimentation en eau des maisons a fourni des renseignements intéressants : sur 92 maisons pourvues d’eau de la nappe souterraine de W..., 20 furent atteintes, soit 21 ,7 p. 100, sur 41 maisons ayant des puits particuliers, 5 furent atteintes, soit 12,2 p. 100; enfin sur 112 maisons recevant l’eau de source, 37 furent atteintes soit 50,9 p. 100.

Du 2 au 27 juin les trois groupes de maisons donnèrent respecti¬ vement 8, 1 et 65 cas de typhïde, par conséquent la prédominance dans les maisons à eau de source est fort nette ; des 9 personnes tombées malades en dehors de ces maisons il y eut ü écoliers et 3 ouvriers, qui ont pu consommer de l’eau de source en dehors de leur domicile ils ne séjournaient pas constamment. Pendant les trois derniers mois de l’épidémie les malades ont été pour les trois groupes au ncmbre de 20, 4 et 43 ; la localisation a été alors moins accentuée, il y a lieu do faire intervenir la transmission d’individu à individu par contagion. En faisant le décompte des cas par maison, on obtient le total de 52 maisons avec 1)9 malades infectés par contagion et 30 maisons avec 74 malades par

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infection hydrique ; ainsi dans celle épidémie ces deux facteurs ont eu une part à peu près égale dans l’expansion de la maladie.

La relation de ces deux épidémies d’origine hydrique puise un intérêt tout particulier dans la rareté d’une contamination typhoïde de deux dis¬ tributions d’eau de provenance absolument différente dans la môme loca¬ lité à dix-huit mois de distance; si la nappe souterraine de W... a été infectée d’une façon qui n’a pu être nettement relevée, la source de G... a été certainement contaminée par les déjections typhoïdes de la maison la surplombant. Ce voisinage dangereux n’avait jamais attiré l’attention cl il a fallu que cette cruelle épreuve fit prendre tardivement une décision à son égard. Le professeur Kruse développe largement la thèse de la contagion typhoïde et la documente avec une série de preuves par filia¬ tion empruntées à la seconde épidémie de G... F.-H. Rbnaüt.

Variole et vaccine, par le D' Legrand; Variole et vaccin allénvé, par MM. E. Félix et J. Fluck (Médecine moderne, S et 12 décembre 1900, p. 585 et 563).

M. Legrand constate que depuis deux ou trois ans la proportion des succès après la revaccination diminue d’une façon considérable; au lieu 50 à 70 succès pour 100 qu’on obtenait depuis une quinzaine d’années, on n’en obtient plus qu’à grand peine 10 ou 15, et encore en y comprenant tous les degrés de la vaccinoide. Il se demande si le vaccin n’a pas dégénéré par suite d’une culture intensive ou d’une domestication lrop\ prolongée ; il n’ose croire que dans les Instituts vaccinogènes on le dilue dans un excès d'eau et de glycérine, de la même façon que les marchands de lait de bas étage allongent ce liquide en y ajoutant de l’eau.

MM. les D™ Félix et Flück, directeurs de l'Institut vaccipogène de Lau¬ sanne, expliquent le retour plus fréquent des épidémies de variole et la proportion décroissante de succès après revaccinalion, par ce fait que depuis quelques années on ne fait plus guère usage, sans s’en douter, que de vaccin « atténué ». Par crainte de voir les bactéries, le plus souvent inoffensives, se développer dans le vaccin fraîchement récolté, on mêle au vaccin une forte proportion de glycérine afin de détruire les bactéries banales ; et comme les bacilles disparaissent de plus en plus dans ce milieu glycériné, on recommande de n’employer que du vaccin vieilli, c’est-à-dire recueilli depuis plusieurs mois. Nos confrères de Lausanne font observer que les cultures et les germes quels qu’ils soient perdent toujours leur virulence en vieillissant, en telle sorte que depuis plusieurs années la tendance est d’employer un vaccin véritablement atténué. Ils ont constaté qu’avec leur vaccin animal fraîchement recueilli, la pro¬ portion dessuccès dans les revaccinations (?) était en moyenne de 80 p. 100 et allait même jusqu’à 95 p. 100, tandis qu’avec le même vaccin vieilli et atténué la moyenne des succès est de 60 à 73 p. 100.

11 y a lieu devenir compte de celte observation; il serait désirable que de nouvelles statistiques fussent établies, dans l’armée par exemple, en comparant sur un même nombre de recrues les proportions des succès

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avec du vaccin frais el du vaccin vieilli, ou bien en inoculant l’un sur un bras el l’autre vaccin sur l’autre bras. 11 est bon aussi de rappeler que c’est surtout pour éviter les accidents inflammatoires chez les jeunes génisses vaccinifères qu’on a recommandé d’employer du vaccin glycériné el vieilli pour les inoculer.

E. Vallin.

Durée de l’immunité variolique à Pékin, par le D' Matignon {La médecine moderne, 7 novembre 1900, p. J522).

Les événements ilramatiques dont la légation française en Chine a été le théâtre n’ont .suspendu que momentanément l’activité scientifique de notre sympathique confrère, médecin-major de cette légation à Pékin; nous le félicitons cordialement de son courage el de son dévouement.

M. Matignon, dans une communication à l’Académie de médecine en février 1890, avait déjà signalé ce fait que la variole, dans le nord de la Chine, donne une immunité temporaire qui varie entre 7 el 9 ans seule¬ ment. Cela explique que chez les enfants chinois vaccinés la proportion des succès est de 79,5 p. 100 à 12 ans, de 77 à 10 ans, el de 53,3 p. 100 à 8 ans ; or il est à remarquer que la plupart de ces enfants avaient eu très probablement, sinon certainement, la variole dans leur première enfance. La vaccination chez les Chinois a donc d’autant plus de chance de réussir qu’on opère sur des sujets moins jeunes, par conséquent moins immunisés par une première atteinte de variole.

D’autre part, M. Matignon a observé trois cas positifs de variole récidivée chez deux Français et un Suisse habitant la Chine et arrivés depuis peu de temps à Pékin. Sans doute il faut tenir compte de Ja diminution de résis¬ tance causée par la fatigue d’un long voyage, l’acclimatation, la rigueur des saisons, etc. Mais la raison véritable de ces récidives est que « la variole court les rues à Pékin » ; au début du printemps surtout, on rencontre sans cesse par les rues des Chinois et des Mongols dont la figure el les mains sont couvertes de croûtes varioleuses en desquamation, et qui vendent des broderies,' des étoiles, des bibelots. Il importe donc de se faire revacciner dès qu’on arrive en Chine et de faire renouveler celte opération. Un ministre plénipotentiaire ayant eu la variole dans son enfance arrive à Pékin en avril; on le revaccine sans succès quelques jours plus tard. Il recevait chez lui beaucoup de marchands indigènes et courait les boutiques de curiosités. Trois semaines après, il contracta une variole grave. E. Vallin.

Experimenleller Nachweis der Dauer des Impfschulies gegenùber Kuh-und Menschenpocken (Démonstration expérimentale de la durée de l’immunité vaccinale conférée par une vaccine ou une variole antérieure), par Martius {Arbeiten ans dem Kaiserlichen Gesundheitsamle, 1900, XVII, p. 15C).

Béclère, Cliambon et Ménard ont montré que le sérum des sujets qui ont été vaccinés ou ont eu la vailole possède un pouvoir immunisant

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d’une durée variable, laquelle peut persister dans certains cas 50 ans, et chez d’autres ne dure que quelques mois ou quelques jours.

Martius a repris ces recherches en suivant la même technique. Un veau est inoculé d’pn côté avec un mélange de vaccins et du sérum que l’on éprouve, de l’autre avec un mélange de vaccin ou de sérum normal. On voit au bout de six jours le nombre et la qualité des vésicules obte¬ nues de chaque côté. Les recherches de Martius confirment celles de Béclère et de ses collaborateurs.

Les substances immunisantes sont surtout marquées 14 jours après la vaccination du veau. Elles sont déjà moins abondantes après trois mois, mais on les retrouve encore après cinq mois.

Dans le sérum des hommes qui ont été souvent et bien vaccinés, ces substances sont en abondance. On ne peut plus les démontrer apré.s vingt ans.

Les expériences de Martius prouvent que l’on ne saurait se baser sur cette méthode pour reconnaitre si chez un ^jet la vaccination a été efficace. En effet, le sérum de sujets récemment vaccinés peut quel¬ quefois ne pas empêcher le développement de pustules vaccinales.

Netter.

La nuova pro/ilassi délia malaria net Lazio, par le professeur Angelo Celli {Supplemento alPoliclino, 20 octobre 1900, page 1601).

L’auteur indique le résultat des mesures appliquées dans le courant de l’été de cette année et qui sont la continuation de celles essayées en 1899 (Revue d'hygiène, 1900, page 470). Sur cinq fractions des lignes de chemin de fer desservant la région très paludéenne du Latium, un certain nombre de maisons des cantonniers gardes-barrières a servi à l’expé¬ rience tandis que les autres donnaient la comparaison de la malaria habituelle. Cette année, les fenêtres ont été tendues de toile métallique en place du tissu de coton léger précédemment enTnlové V en mîïre. la porte extérieure de l’habitation était précédée d'une sorte de logette en toile métallique avec des portes doubles à fermeture automatique ; ce système protégeait davantage le rez-de-chaussée contre l’invasion des moustiques, facilitait les allées et venues et permettait une aération plus large. L’orifice sunérienr des chemlnép-; était aussi garni du réticule çrotgcleur et les murailles étaient blanchies à la chaux, de façon à poursuivre plus aisément les moustiques, qui avaient pu s’introduire malgré toutes les précautions prises. Les recommandations les plus for¬ melles étaient faites pour la sortie vespérale des liabitants avec protection du visage et des mains.

207 ouvriers et employés de chemin de fer furent soumis à cette réglementation prophylactique, pendant l’été dernier, dans des ocalités réputées fort malsaines; sur ce nombre 10 seulement présentèrent d;s accès de malaria, soit par leur imprudence, soit en raison de leur cons¬ titution plus chétive, soit par récidive ; tous ceux qui n’avaient pas (hé soumis à cette prophylaxie furent plus ou moins gravement atteints..'*!! n’y eut pas d’épidémie de famille ; le traitement et la convalescence de.s

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récidives de l’année précédente furen l très rapides dans les maisons pro¬ tégées. La persuasion, aidée de quelques faveurs, suffit pour obtenir l’exécution de ces règles d’attention personnelle et de surveillance des ouvertures.

Celli voulut tenter la même expérience sur des paysans, malgré les exigences des travaux agricoles et le peu de confortable des habitations ; plusieurs maisons ou plutôt des cabanes de deux hameaux furent proté¬ gées comme les mai.sons des cantonniers de la voie ferrée ; les résultats furent très satisfaisants, sauf dans une chaumière l'incurie était telle que le matin on y trouvait des quantités de moustiques. Il serait utile de prémunir les nomades qui viennent pour l’époque de la moisson et couchent en plein air; on a installé cet été dans les marais Pon- lins une grande baraque en bois démontable, dont les portes et fenêtres étaient munis de toile métallique ; ce premier progrès devrait être com¬ plété par la cessation du travail aux heures dangereuses et par l’admi- nisirailion préventive de composés quiniques, afin d’obtenir une immu¬ nité artificielle relative. F.-H. Rbnaut.

Die Bakierien der sogenannlen sterUisirten Milch des Handels, ihve biologische Eigenschaften und ilire Beiziehttngen zti den Magen-Darm- krmikheilen der SaügLinge mit besonderer Beriicksichligung der gifti- gen peptonisirenden Bakierien Flügge's (Les bactéries du lait stérilisé du commerce, leurs propriétés biologiques, leurs relations avec les gastro- entérites des nouveau-nés; les bactéries toxiques peptonisantes de Flügge), par Wkbeb. {Arbeilen ans den Kaiserlichen Gesundheilsamte, 1900, XYII, p. 108).

Personne ne conteste aujourd’hui les heureuses conséquences de la stérilisation du lait, à laquelle on doit une diminution marquée de la mortalité infantile. On a bien objecté que la stérilisation modifie certaines des qualités du lait. Elle lui fait perdre son arôme, coagule l’albumine, décompose la lécithine, caramélise une partie du sucre, sépare une cer¬ taine proportion de la graisse. Flügge a montré que le lait stérilisé du commerce renferme encore des germes. Parmi les germes (pu résistent à la stérilisation, il en est qui sont doués d’un pouvoir toxique et qui pourraient donner naissance à des gastro-entérites.

Weber a voulu contrôler ces affirmations de Flügge (pii, à côté de partisans, a compté bon nombre de contradicteurs. Disons tout de suite que son mémoire, sans accorder aux bactéries peptonisantes un rôle aussi essentiel que le veut le professeur de Breslau, le continue dans ses grandes lignes.

Les recherches ont porté sur 150 flacons de lait stérilisé provenant de huit laiteries ou usines. Aucune de ces laiteries et usines n’a livré un lait constj^nment privé de geriues. En règle générale, la stérilisation était en rapport avec les modifications extérieures du lait. Un lait dit stérilisé (jui avait conservé sa couleur blanche et son goût de lait cru, n’était stérile ’ue dans ,5 p. 100 des échantillons. Un autre lait de teinte rouge-brun et ayant le goût du lait cuit ne renfermait pas de germes dans 83 p. 100 des flacons.

fîKV. d’iiyg. \XUI. O

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En général le procédé le plus sûr et le plus rapide pour reconnaître s’il y a eu développement de germes dans le lait dit stérilisé consiste à mélanger à parties égales le lait à l’alcool à 68. S’il y a coagulation, on peut admettre quelelailrenfermedes bactéries ayantrésistéà la stérilisation.

Les analyses de Weber lui ont permis d’isoler de laits stérilisés vingt- trois espèces de bactéries, dont deux anaérobies, trois thermophiles, dix-huit aérobies.

Les espèces anaérobies ne présentent pas grand intérêt. Elles sont facilement détruites pourvu que la stérilisation soit faite avec soin. J1 n’y a pas lieu de se préoccuper de l’influence pathogène des bsctéries aéro¬ bies thermophiles qui ne se développent que quand la température du lait dépasse 22“ et qui ne trouvent les conditions vraiment favorables que quand le thermomètre atteint -}- 40“ à 55“. La présence de ces bactéries thermophiles ne peut être constatée si l’on se sert pour l’analyse de plaques de gélatine ; on est exposé dans ce cas à croire la stérilisation parfaite.

Les bactéries aérobies peuvent être divisées en trois groupes. Les pre¬ mières ont une action très rapide sur le lait, qui est décomposé en vingt- quatre ou quarante-huit heures. La plupart peptonisent la caséine sans attaquer la lactose. D’autres cepèndant peuvent agir en môme temps sur le sucre et produire des acides.

Le premier groupe trouve dans la température normale de la chambre des conditions favorables à son développement.

Les bactéries du second groupe mettent cinq à sept jours à transformer le lait, en produisant une faible acidité. Ces bactéries, que l’auteur pro¬ pose d’appeler thermotolérantes, n’agissent bien qu’à une température variant entre 37“ et 50“.

Enfin, il est des bactéries qui se développent sans modifier le lait d’une façon appaiente.

Les bactéries peptonisantes du lait sont susceptibles de déterminer la putréfaction du lait et de produire de l’hydrogène sulfuré.

La présence de lactose dans le lait prévient la putréfaction. Elle favo¬ rise en effet le développement des bactéries donnant naissance à des acides, et ces acides mettent obstacle au rôle des bactéries peptonisantes. Ces bactéries agissant sur le sucre de lait existent dans le lait cru; elles sont détruites dans le lait stérilisé. Il en résulte que dans le lait stérilisé, la peptonisation et la putréfaction sont possibles , tandis qu’elles ne se font pas dans le lait cru.

Le lait stérilisé du commerce ne semble pas renfermer souvent les bactéries toxiques peptonisantes de Flûgge. L’auteur n’en a rencontré que dans trois des 150 échantillons. Ces bactéries se sont montrées pathogènes pour le cobaye en injections péritonéales. Netter.

Sulla fresehezza del lattae (Sur l’état frais du lait), parle D' Gino De’ Rossi {Rivisia d'igiene e sanità pubblica, l®' et 15 octobre 1900, p. 667 et 799).

Il n’est pas indifl'érent de pouvoir apprécier le temps écoulé entre la traite et la vente du lait, en raison de l’extrême rapidité de la pullula-

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tion des germes dans ce liquide. Bien que les microorganismes qui s'y développent en été soient généralement d'espèces banales, on peut cependant supposer qu’ils ne sont pas sans apporter des altérations chi¬ miques et dos modifications nutritives dans cet aliment presque exclusif des malades et des enfants.

L'auteur a fait de nombreuses recherches, sur le lait vendu pendant la saison chaude à Pise sur les marchés, dans les laiteries, à domicile et il fi constaté fréquemment des teneurs en germes variant de 2, 4, 6 jusqu’à 40 et 43 millions par centimètre cube, quantité dépassant quelque peu la limite de 10,000 fixée par Flügge pour le lait frais et celle de 100,000 assignée par Duclaux peu de temps après la traite. Quelle que soit la stérilisation plus ou moins parfaite apportée ultérieurement par l’ébulli¬ tion, il serait fort important d’avoir un moyen rapide et sûr de contrôler l’état de fraîcheur du lait mis en vente.

Dans ce but De’Rossi s’est servi de la méthode de détermination de l’acidité du lait et du procédé de Vaudin par le carmin d’indigo pour apprécier la quantité de germes {Revue d'hygiène, 1897, p. 688). Il compléta la première méthode en ajoutant au lait une quantité d’acide acétique suffisante pour produire la coagulation et en calculant l’excès d’acidité du petit lait; déplus, il déterminait la proportion d’acide acétique nécessaire pour la coagulation à chaud. Quant à la décoloration du carmin d’indigo, elle a été établie par Vaudin pour le temps minimum après lequel elle survenait pour le lait frais ; ce temps, variant de quatre à douze heures suivant la température, indique qu’on ne. peut pas compter sur des résultats pratiques immédiates ; le contrôle bactériologique était fait par la numération des cultures en boites de Pétri vers lesixièmejour. La conclusion de cette série de travaux fut :

1“ Que la décoloration du carmin d’indigo n’a complètement lieu qu’alors que l’odeur du lait est plus ou moins altérée; ce qui dénote manifestement l’inutilité de cette métiiode ;

Que le degré d’acidité du lait, aussitôt déterminé, n’est pas un indice sûr et suffisant de son degré de conservation, d’autant plus que souvent cette acidité marque une augmentation insensible tandis que le nombre des germes s’est accru en quantité considérable.

Pour compenser ces résultats défavorables, l’auteur préconise à titre de renseignement suffisamment approximatif un examen microscopique du lait coagulé dont il donne en détails la .technique et en figure les données sur quelques planclies. Le coagulum se présente sous forme de stries plus ou moins larges dans lesquelles lloltent des globules gi’aisseu x ; ces stries sont séparées par des lacunes remplies de petit lait ; suivant la t'raicheur du lait ce dernier liquide renferme un nombre plus ou moins considérable de germes ; c’est un terme d’appréciation un peu vague, mais qui rend un service réel après quelque temps d’exercice et d’habitude. F.-H. Renaut.

Sul polere ballericida delV alcool etilico, par le D'' Bertarbi.i,i (H Policlinico, vol. VII-M, lOOOi.

L’auteur a repris les recherches d’Epstein (Revue d’/iygiâne, 1897,

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p. S69) et de Minervi sur ce sujet : il imbiba des lils de soie de cultures plus ou moins vieilles de microorganismes variés, B. prodigiosus, B. pyo¬ cyanique, staphylocoque doré, vibrion du choléra, B. d’Ebertli, B. de la peste, spores du charbon, spores du B. subtilis, et les soumit pendant des durées de cinq minutes à cinquante jours, suivant les espèces, à l’ac¬ tion de l’alcool, d’abord à la température ordinaire, puis à celle de l’ébul¬ lition; enfin, il étudia ces mêmes cultures au point de vue des résultats de leur immersion dans des solutions alcooliques de sublimé au millième, d’acide phénique à 3 p. 100, d’acide chromique au centième, de sulfophé- nate de zinc à 2 p. 100 et de nitrate d'argent à 1 p. 230.

Ces nouvelles expériences confirment la médiocre valeur antiseptique de l’alcool éthylique, dont l’action est presque nulle sur les spores. Les dilutions de l’alcool dans l’eau présentent une efficacité décroissante suivant les proportions ci-après : 50, 70, 2b, 80, 09 p. 100. Ce fait s’explique difficilement : il est probable que l’alcool détermine une coarctation plus grande de la périphérie des amas bacillaires ; de la sorte, les germes du centre sont protégés et conservent plus longtemps leur vitalité.

Malgré cela, l’alcool empêche le développement et la pullulation des microorganismes : un dixième de centimètre cube d’alcool absolu suffit pour arrêter la culture sur gélatine des germes d’une eau potable comp¬ tant habituellement de 70 à 100 germes par centimètre cube. L’addition de 2 à 3 gouttes d’alcool tue les spores du B. subtilis ensemencées dans du bouillon.

Quant aux solutions alcooliques des différentes substances désinfec¬ tantes, elles sont d’autant plus actives que l’alcool est moins concentré. Ce travail corrobore pleinement les résultats antérieure et les différences très minimes obtenues ne portent que sur la dilution des préparations et le titre des alcools employés. F. -H. Renaut.

La pustola maligna di origine commerciale ed industriale a Genoca, par le D'G. Corradi (Rivista d’igiene e sanità pubblica, 1900, p. 498 et 330).

En Italie, comme en France, les mesures préventives et la réglemen¬ tation actuelle devraient mettre les ouvriers manipulant les dépouilles d’animaux indigènes à l’abri des maladies charbonneuses {Revue d'hy¬ giène, 1894, p. 260); mais les provenances étrangères restent suspectes et la pustule maligne est encore fréquente à Gènes : les tanneries y sont nombreuses et l’industrie locale emploie beaucoup de peaux américaines et chinoises, les spores charbonneuses conservent leur virulence malgré les diverses préparations et tes tentatives de désinfection ont nui à la qualité et à l’usage industriel.

Pour attirer l’attention sur ce danger, l’auteur a recherché les cas de pustule maligne, traités à Gènes soit dans les hôpitaux, soit par les sociétés d’assistance depuis le l" janvier 187’7 jusqu’au 31 décembre 1899; 133 cas sont consignés dans un tableau avec la mention de la profession et du siège de la lésion. En tenant compte du métier de chacun des

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atteints, on voit que 117 cas, soit 76,47 pour 100, peuvent être attribués à l’industrie et au commerce dés dépouilles d’animaux ; 40 seulement se rapportent à des ouvriers, 34 travaillant les peaux et G travaillant les crins ; des autres, 65 concernent des portefaix ou des manœuvres, et 12 s’ap¬ pliquent à des professions diverses, bateliers, mariniers, etc. ; ainsi donc, sur ce nombre de cas de pustule maligne relevé en 23. ans et certainement incomplet, 34,18 p. 100 sont d’origine industrielle et 65,8 p. 100 d’ori¬ gine commerciale ; cette énorme différence peut être expliquée par le soin plus grand des artisans professionnels dans la manipulation des peaux et par la négligence des portefaix à protéger les parties décou¬ vertes de leur corps pendant leur labeur pénible.

Comme jusqu’alors on n’a pas trouvé de moyen pratique pour désin¬ fecter les peaux, les laines et les crins sans leur faire perdre leur valeur marchande, il y a lieu d’appliquer strictement dans les ports les mesures suivantes :

Les peaux doivent être absolument isolées des autres marchandises sur les bateaux de commerce, ou en les mettant dans des cales spéciales, ou en les recouvrant de bâches imperméables; en tout cas, il faut désin¬ fecter les locaux après l’enlèvement;

Le déchargement sera fait à l’aide de barques faciles à désinfecter, exclusivement réservées au transport des dépouilles d’animaux ; tout au moins ne doit-on les employer à d’autres marchandises qu 'après désin¬ fection complète;

Les ouvriers des tanneries n’auront jamais les bras et les épaules nus; ils endosseront pour le travail une veste imperméable et. prendront des gants de caoutchouc ; outre ces moyens de protection, les portefaix adapteront à la veste un capuchon de même tissu pour protéger efficace¬ ment le cou, la nuque et la face. Pour les uns et les autres, la propreté corporelle sera soigneusement surveillée et des ablutions fréquentes seront pratiquées avec des solutions antiseptiques;

Les magasins des usines et les dépôts des douanes, destinés à entreposer ces matières, devront présenter des parois lisses, faciles à nettoyer et à désinfecter. F. -H. Rbnaut.

Cancer morlaüty in East Essex. (La mortalité par cancer dans East Essex), par George Melmotii Scott. {The Bril. med. journal, 18 août 1900, p. 420).

L’auteur a fait le dénombrement des morts par cancer à Chelmsford et Muldon pendant les trois périodes de 1871-80, \,.l 881-90 et 1890-98, et il a vu que le nombre des décès par décade a augmenté de 6,36 pour la première, à 7,73 dans la seconde, et 8,41 dans la troisième.

A première vue l’augmentation semble donc évidente, mais si l’on analyse ces statistiques, on voit d’abord que cette augmentation porte presque exclusivement sur les hommes, les cas de cancer restant station¬ naires chez les femmes. Ainsi, pour 100 cancers féminins dans la pre¬ mière décade, il y en avait 51 pour les hommes, 61 pour la deuxième décade et 83 pour la troisième.

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De plus on voit que c’est surtout les cancers des organes profonds qui ont augmenté de nombre, ainsi tandis que les cancers visibles (langue, lèvre, pèvris, testicule, gorge) se sont accrus dans les proportions -de 1 1,6 2,4 pendant les 3 décades, ceux des organes profonds se sont accrus dans les proportions de 1 2,2 3, b.

Enfin ce n’est que depuis quelques années que la statistique admet la nature des tumeurs, tandis que dans la ])remière moitié de la période dont il est question on ne trouvait que les rubriques : tumeur ou rétré¬ cissement intestinal, etc., sous lesquelles bien des cancers pouvaient se dissimuler.

Enfin l’auteur examine les théories du D"' llaviland sur la pathogénie du cancer, théories qui ont été à maintes reprises analysées dans la Revue, et il montre après examen de la constitution géologique du sol, des rivières, etc., des localités sur lesquelles ont porté sa statistique, que ces théories ne sont nullement justifiées. On sait que pour le D'' llaviland,. le voisinage des fleuves à cours lent, des terrains marécageux influe beaucoup sur la lélhalité cancéreuse des localités.

En effet, 1“ malgré son sol glaiseux, ses nombreux estuaires, le comté d’Essex a une mortalité cancéreuse plus faible que la mortalité cancé¬ reuse générale de l’Angleterre ; 2“ les territoires de Chelmsford et Muldon, malgré leur nombre considérable d’estuaires, leurs terrains marécageux ont une mortalité cancéreuse plus faible que celle du comté tout entier; enfin le cancer ne prédomine pas dans les villages situés sur les bords des rivières. Catrin.

Slalla per animali di media e grosso laylia deslinali ad esperienze bacleriologiche (Ecurie pour animaux de moyenne et de grande taille destinés aux expériences bactériologiques), par le professeur L. Simo- NBTTA {L'inyeynere igienisla, 1900, p. 225 et 237).

L’auteur, qui a déjà indiqué les précautions à prendre dans les ména¬ geries de petits animaux de laboratoire {Revue tV hygiène, 1899, p. 918), donne, après la pratique d’une année de fonctionnement, la description d’une écurie qu’il a fait bâtir sur ses indications à l’Institut d’hygiène de Sienne ; elle est destinée ii recevoir les animaux de plus grande taille inoculés avec des microbes pathogènes souvent très violents et pouvant dès lors présenter de graves dangers pour le personnel chargé de l’en¬ tretien.

Le pavillon à plus grande dimension longitudinale comprend trois par¬ ties contiguës : une centrale constituant l’écurie proprement dite et deux latérales, l’une pour le fourrage et la tourbe de litière, l’autre ser¬ vant pour les opérations (injections, saignées). L’étable comprend quatre stalles : deux au milieu pour un àne et une génisse, et deux de l’un et l’autre côtés pour des chèvres ou des brebis. Le fond des stalles suppor¬ tant râteliers et mangeoires n’est pas formé par le mur même du bâti¬ ment, mais il est constitué par une cloison séparée <lc celui-ci par un espace servant de couloir, par les animaux peuvent être observés et

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aussi recevoir leur breuvage et leur nourriture, sans qu’un contact plus direct avec eux soit nécessaire. Des dispositifs très ingénieux et minu¬ tieusement décrits permettent d’ajuster la chaîne d’attache, de garnir le râtelier de fourrage et de remplir la mangeoire d’eau, d’avoine ou de sou en se plaçant dans ce couloir protecteur. La cuvette servant de mangeoire est remarquable par la facilité de sa désinfection en raison de sa mobilité; les râteliers sont démontables et d’un nettoyage simple: dans les stalles latérales des ovidés, les mangeoires sont remplacées par des récipients en terre cuite émaillée, placés à terre, dont la forme, le poids et la matière rendent l’entretien pratique et commode.

Des conduites d’eau sous forte pression permettent, par l’adaptation de tubes de caoutchouc à lance, le lavage des soubas-sements cndirits d’un vernis. Le sol cimenté est en pente dirigée vers un émissaire cen¬ tral, siphoné et relié à un puits à fond perdu.

A propos do ce puits à fond perdu placé auprès du mur de clôture d’un cimetière, Simonetta s\gna.le(L'Ingegnereiijienisla, i!i octobre 1900, page 2.37, 2* colonne) une sévère (!; critique prononcée par le D'' Vallin, qui aurait préféré un puisard à parois absolument étanches. Il convient de mentionner que la sévérité incriminée se borne à l’énoncé fort bien¬ veillant de ce desideratum {Uevue d'hygiène, ÏQ octobre 1899, page 920, 8“ alinéa). Simonetta insiste pour démontrer l’utilité de ce puits perdu qui ne peut avoir d’inconvénients pour le voisinage au point de vue des infiltrations dans la nappe souterraine. En raison de la configuration du sol, le réservoir étanche serait revenu à un prix élevé et n’aurait sans doute pas atteint le but recherché. Simonetta espère que l’exposé de ces circonstances atténuantes lui attirera l’indulgence du D'' Vallin.

L’aération se fait au moyen de vastes fenêtres s’ouvrant jtar l’extérieur, la ventilation est assurée par des vitres Caslaing placées, les unes au-dessus des stalles, les autres au-dessous des fenêtres sur la paroi opposée. L’au¬ teur prétend (jue le système Castaing laisse pénétrer une colonne d’air douée d’une vitesse souvent pernicieuse et il le modifie en plaçant une troisième vitre centrale à extrémité tronquée entre les deux vitres laté¬ rales ayant la même extrémité incomplète, mais opiiosée à la précé¬ dente; de la sorte, l’air a à parcourir en haut, puis en bas, ces deux espaces formant cheminée ; on peut même se demander si le courant s’établit cl se maintient. En tous cas, on ne s’exiiliipie guère ce surcroît de précautions venlilalrices dans une écurie destinée à des animaux de maigre valeur, alors (pie, dans nos nombreu.x casernements, les hommes dont les lits sont le plus voisins des fenêtres à double vitre Castaing n’accusent ni gène, ni incommodité, à condition que les dimensions du système soient convenablement établies.

Ce mémoire très instructif méritera d’être consulté iwr ceux qui auront charge d’installation analogue et aussi par ceux qid ne recule¬ raient pas devant des frais de détails pour aménager des étables dans les conditions les plus propices à la lutte contre les afi'eclions épi/.ooli(iues.

F.-IL ItltXALT.

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L’oxycyanure d'hydrargyre comme anlisepliqtie, par le D'" Deguv {Journal des praticiens, 3 novembre 1000, p. 707).

Le .sublimé a quelques inconvénients comme antiseptique : il est irri¬ tant ))our la peau, noircit les ongles, attaque les mélau.x. M. Deguy lui préfère de beaucoup l’oxycyanure de mercure, au millième dans l’eau distillée. Il est moins irritant, n’altère nullement les métaux (une bogue en or peut séjourner impunément dans la solution), l’action antiseptique est égale à celle du sublimé; la solution dans l’eau distillée ne s’altère pas à l’air libre. Parfois il est peu soluble dans l’eau, mais c’est qu’il a été mal préparé; quand il est pur et répond à la formule HgO,HgCy2, un gramme se dissout en trois minutes au plus dans un litre d’eau distillée froide, instantanément dans l’eau chaude. C’est une poudre inodore, blanc jaunâtre, cristalline; il se dissout rapidement dans l'eau froide dans la proportion de 1 p. 150; il est à peu près insoluble dans l’alcool. 11 est moins irritant pour les muqueuses (lue le sublimé, et on peut l’employer pendant plusieurs jours en lavages de la gorge, en solu¬ tion à 1 p. 2,000, ou mémo à 1 p. 1,000. En injection vaginale, cette solution ne produit pas la sensation de picotement et de resserrement dont les femmes se plaignent souvent avec la solution de sublimé aux mômes litres. E. V.

Intoxications alimentaires par ingestion d' artichauts cuits, par M. L. Bartue (Journal de pharmacie et de chimie, 1"'' novembre 1000, p. 414).

M. Roger a <léjà signalé (Mémoires de la Société de biologie, 1898, p. 79(i) une petite épidémie d’intoxication alimentaire survenue dans son service, après ingestion d’artichauts cuits. M. Roger a constaté dans ces artichauts un microbe pathogène pour les animaux, en môme temps que du coli-bacille. M. Bartlie, à la Faculté de médecine de Bordeaux, vient d’observer plusieurs faits analogues ; douleurs de l’estomac, diarrhée, crampes, etc. ; les accidents d’ailleurs eurent peu de gravité ; l’enquéle a prouvé que cet empoisonnement par les artichauts cuits n'étaient pas rai'es à l’hôpital Saint-André de Bordeaux, surtout quand les artichauts étaient con.sommés le lendemain de la cuisson.

Les artichauts avaient l’aspect normal avant leur cuisson ; mais bientôt ils commencent à devenir ^•erdâtres par place et dans leurs parties externes. Avec le temps, en pleine lumière, la couleur gagne les parties •superficielles et profondes; elle passe du vert au bleu, jusqu a atteindre l’intensité du bleu de Prusse. Des feuilles d’artichaut bleues peuvent contaminer par simple contact un artichaut cuit normal et commencer à le colorer au bout de six à sept heures. Des feuilles bleuâtres macérées dans l’eau distillée fournissent une solution bleue qui absorbe toute la partie droite du spectre jusqu’à la moitié du vert; ce spectre est doue bien distinct de celui de la chlorophylle. La solution aqueuse bleuâtre se décolore dans l’obscurité au bout de 12 heures, alors que l’artichaut lui- même conserve dans l’obscurité sa couleur vert-bleuâtre. La matière colorante est insoluble dans l’alcool, l’éther, le chloroforme et la benzine.

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Eu solution aqueuse, elle teinte la laine en bleu ; mais par la dessication la matière colorante se rétracte par places, sous forme vermiculée, eu laissant la laine incolore. Le pigment en solution aqueuse est stable à chaud; il partage à peu près les propriétés chimiques du bleu d’orseille; il rougit par les acides et la solution est ramenée au bleu par les alcalis.

L’observation est très intéressante; il est regrettable que M. Barthe n'ait pas recherché s’il y avait, comme dans les cas de M. Roger, un microbe spécial, pathogène pour les animaux. E. Vallin.

Arsenic in arlificial manures (L’arsenic dans les engrais artificiels. Brislish med. Journal, 22 décembre 1900, p. 1828.)

L’épidémie d’intoxication arsénicale par la bière qui vient de se produire à Salford et dans un très grand nombre de villes anglaises a conduit à rechercher l’arsenic dans la plupart des objets de consomma¬ tion contenant du glucose (sirops, confitures, limonades gazeuses. Le D'. John Brown en a môme trouvé dans le caoutchouc vulcanisé, Lancel. 22 décembre 1900, p. 1838). Mais il y a une autre source d’arsenic à laquelle on n’avait pas songé jusqu’ici et que signale le rédacteur anonyme du Biilish medical Journal. La plupart des engrais artificiels employés dans l’agriculture contiennent des superphosphates ; on obtient ces derniers en traitant les matières azotées par de l’acide sulfurique et naturellement on utilise pour cet objet les acides les plus impurs, c’est- à-dire ceux qui proviennent de pyrites arsénicales; or nous avons vu (Revue d'hygiène 1900, p. 1066) que certaines pyrites contenaient jusqu’à 1 gr. 40 d’arsenic métallique par kilogramme.

On comprend donc que l’arsenic puisse s’accumuler dans le sol des champs sur lesquels on verse presque chaque année des superphosphates arsenicaux, et que cet arsenic soit absorbé et retenu dans le tissu des légumes, des fruits, des plantes ainsi cultivés.

On s’explique dès lors qu’on ait constaté en Angleterre la présence do quantités notables de ce métal dans la bière fabriquée uniquement avec du malt et du houblon et l’on n’avait pas mis trace de sucre intei- verti ou de glucose.

L’on sait que l’on trouve d’ordinaire des quantités notables de cuivre normal dans le cacao, et particulièrement dans l’épiderme de l’amande. MM. Duclaux et Galippe ont relevé dans du chocolat d’excellente fabrication jusqu’à 125 milligrammes de cuivre par kilogramme (Joi/rwal des connaissances médicales 1883, p. 121 et Revue d'hygiène 1883, p. 609). Ce cuivre provenait du sol cuprifère avait été récolté le cacao.

11 serait désirable que dans un de nos laboratoires d’hygiène on fit quelques recherches expérimentales dans cette voie. Les radis cultivés sur un sol riche en superphosphates contiennent-ils des traces d’arsenic? Voilà une expérienee facile à faire et intéressante.

E. Vallin.

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Ulteriori ricerche sulLa biologiii e sul chimismo delle arseniomufj'e (Nouvelles recherches biologiques et chimiques sur les moisissures arsé¬ niées), par le professeur G. Gosio {IHvista d'igiene et sanità pubblica, 1900, pages 601 et 693).

I. Propriétés pathogènes du penicilium brevicaule. Jusqu’alors celte moisissure était considérée comme un élément pathogène indirect, comme une cellule qui, vivant au contact d’un composé fixe d’arsenic, y élabore un gaz toxique (Revue d’hyyiène, 1898, page 940) ; mais des éludes récentes permettent à l’auteur d’affirmer que l’Iiyphomycète en question possède par elle-même des propriétés pathogènes directes et détermine des lésions graves dans les organes elle se développe en parasite. Cette théorie s’appuie sur le fait suivant : des lapins avaient séjourné dans une chambre le penicilium brevicaule venait d’ôtre cultivé en grande quantité et de nombreuses spores s’étaient proba¬ blement répandues dans l’atmosphère; l’un des animaux ayant suc¬ combé sans cause manifeste, présenta ii l’autopsie un aspect spécial du tissu pulmonaire, caractérisé au microscope par la présence d’un mycé¬ lium très ténu ; ce dernier, cultivé sur pomme de terre, développa du penicilium brevicaule qui, additionné d’une trace d’arsenic, dégagea l’odeur alliacée spécifique. Des spores sèches respirées en abondance par des lapins déterminèrent une véritable pneumonie penicüaire et c’est une manifestation inédite de lésions inflammatoires, provoquées par la prolifération d’une moisissure. Il est probable que si ce champi¬ gnon venait à végéter dans un organisme imprégné d’arsenic, on aurait à constater, outre des manifestations parasitaires essentielles, des phé¬ nomènes d’intoxication dus à la production de poisons gazeux.

II. Modifications à la méthode de recherche biologique de l'arsenic. Essai de dosage biologique de l’arsenic. Au lieu d’incorporer comme précédemment l’échantillon supposé arsénié avec la matière nutritive et d’ensemencer ensuite la moisissure, Gosio préfère maintenant faire d’abord la culture sur pomme de terre et déposer sur ce mycélium jeune, la substance à examiner, en multipliant autant que possible les contacts. Cette simple modification supprime les opérations préliminaires de mélange et de stérilisation et permet d’obtenir une réaction au bout de dix minutes, en ayant la précaution d’avoir des cultures fraîches de penicilium brevicaule.

Un avantage considérable de cette méthode est de donner quelques indices sur la quantité probable d’areenic; en préparant sur des tranches de pomme de terre d’égale surface des cultures aussi identiques que pos¬ sible que l’on recouvre uniformément de la matière à examiner, on peut admettre que le temps écoulé entre l’application de la substance sus¬ pecte et l’apparition de l’odeur alliacée est proportionnel à la quantité d’arsenic ; en prenant comme terme de comparaison la quantité la plus faible d’arsenic laissant percevoir l’odeur caractéristique en un temps donné, quinze minutes par exemple, on peut arriver à calculer pour un poids fixe la proportion pour cent d’arsenic contenu dans l’échan¬ tillon. Les essais faits par l’auteur dans cette voie ont été encourageants

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et il espère perfectionner la technique pour -donner des bases plus sûres à cette analyse biologique quantitative.

Ce procédé reposant sur la perception olfactive pourrait cependant prendre l’importance d’un véritable essai chimique si le gaz développé pendant la réaction biologique venait s’oxygéner dans du permanganate acide de potasse, l’on rechercherait ensuite l’arsenic au moyen de l’appareil de Marsh ; mais en raison de la longueur de cette manipula¬ tion, il serait préférable de faire barbolter les vapeurs se dégageant des moisissures arséniées dans une solution chlorhydrique de bichlorure de mercure, comme on le fait déjà pour la purification de l’acétylène; après cette opération, il se dépose un composé arsenical organique cristallin (arsine) en plus ou moins grande quantité suivant la teneur en As ; bien que ce ne soit qu’un procédé qualitatif, il peut néanmoins renseigner sur la quantité approximative du métalloïde.

111. Constitution chimique, mécanisme de formution et toxilé du gaz des moisissures arséniées. Les recherches longues et patientes de Gosio, corroborées par celles de Biginelli, chimiste-adjoint, permettent de considérer ce gaz comme une diéthylarsine. Le penicilium brevicaule, qui vit au contact de l’arsenic, l’absorbe comme un véritable aliment; le mycélium montre dans sa trame après des lavages rigoureux des quan¬ tités variables d’As, suivant les stades de son existence. La décomposi¬ tion de l’As. Par ce champignon, qui est un ferment alcoolique, est un fait absolument biologique, car elle est arrêtée lorsque la vitalité des germes est suspendue par une température élevée ou par un antisep¬ tique.

Quant au pouvoir toxique de cette arsine, on peut s’en convaincre par les quelques cas d’empoisonnement chronique et subaigu signalés chez des personnes habitant des chambres humides favorables aux moisissures et tapissées de papiers peints à base d’arsenic ; l’auteur a éprouvé des troubles sérieux de la sensibilité à la suite d’inlialation de ces vapeurs. Les expériences faites sur les animaux ne sont pas très probantes ; des souris plongées dans des ballons de culture ont succombé, mais peut- être à CO'-^ plutôt qu’à l’arsine même; pour obtenir des résultats concluants il faudrait opérer avec un produit de composition nettement connue que l’on mélangerait en diverses proportions à l'air respiré par les animaux en expérience : il y a tout lieu d’espérer que l’on arrivera à la synthèse de ce gaz, destinée à combler ces lacunes.

Cette note du profe.sseur Gosio met à jour les recherches toutes récentes faites sous sa direction dans les laboratoires de la Santé Publique à Rome ; elle n’est en somme ([ue la préface d’un prochain travail très détaillé .sur les moisissures arséniées et leurs produits.

F. -H. Rk.vai.'t.

Relation of alcobalism to suicide (Relation de l’alcoolisme avec le suicide), par W. Sullivan (The Lancet, 14 avril lilOO, p. 1081).

Le but du travail de M. Sullivan est d’établir le rôle que joue l'alcoo-

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lisme dans l’augmenlaiion du- nombre des suicides en Angleterre et d’éta¬ blir les caractères qui distinguent le suicide alcoolique.

Dès 1852, Magnus Huss avait établi que le suicide est plus fréquent dans la mélancolie alcoolique que dans les autres formes de mélancolie. Moi-selli , Ferri, Westcot montrent que la distribution géographique de l’alcoolisme est identique à celle du suicide, mais d’autre part Colojauni, eu Italie, et Straliain, en Angleterre, se demandent .si ces relations sont suffisantes pour expliquer le mouvement statisti(|ue du suicide.

Les statistiques concernant les morts dues à l’alcoolisme (1867-1897) et celles indiquant la consommation des spiritueux en Angleterre (Mémoire de M. Wliittaker) démontrent que l’alcoolisme a beaucoup augmenté en Angleterre, surtout pendant ces dernières années. Les courbes de suicide et de tentatives de suicide montrent également que leur progression est tout à fait hors de proportion avec l’accroissement de la population et le développement s’est exagéré surtout du côté des tentatives de suicide. Les tentatives de suicide ont cette particularité qu’on les rencontre à un âge relativement précoce (21 à 30 ans chez les femmes, 30 à 40 chez les hommes). Celle précocité du suicide est un caractère du suicide alcoolique aussi bien que de la tentative.

Les statistiques montrent, en outre, que certaines professions se font remarquer par leur alcoolisme et leur haute mortalité par suicide : mar¬ chand de spiritueux, cochers, voyageurs de commerce, musiciens. Par contre suicide et alcoolisme sont rares dans les professions agricoles.

Catri.v.

Aji address on suicide in Scotland (Un discours sur le suicide en Écosse), par John SiBBOcn {Brit. med. Joirn. 3 mars 1900, p. 490).

Les tableaux et statistiques de l’auteur montrent: 1“ l’inlluence du sexe et de l’âge sur le suicide ; la fréquence comparative des divers genres de suicide ; l’inlluence du temps de l’année ; l’inlluence des villes et des campagnes ; l’inlluence des localités de l’Écosse ; enfin l’auteur examine si le suicide est en voie d’augmentation en Éco^e, comme dans les autres pays.

Les tableaux relatent 3,725 cas de suicide survenus dans la période de 1877 à 1894.

Les proportions relatives des deux sexes sont de 70 p. 100 pour les hommes et 30 p. 100 pour les femmes.

L’àge l’on se suicide le plus est entre 50 et 55 ans.

De 15 à ans, on compte 17 suicides par million.

De 20 à 40 ans, il y a 2 suicides d’hommes pour 1 de femme, de 40 à üo, il y en a 3 d’hommes pour 1 de femme.

Dans 90 cas p. 100, le suicide a lieu par arines à feu, armes blanches, poison, submersion ou pendaison. Ces proportions sont exactement celles de l’Angleterre sauf toutefois que la pendaison est plus fréciuente dans cette contrée et la submersion plus usitée en Écosse.

C’est surtout en été qu’ont lieu les suicides. Ün avait pensé que la (limi- nition des morts par submersion en hiver tenait au froid, mais on trouve

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la même diminution pour la pendaison, (i’esl un des faits les plusreniar- quables de la statisti(|ue vitale que cette prépondérance des suicides pendant la saison chaude.

En Écosse, le suicide n’est pas plus fréquent dans les villes que dans les campagnes; la projiortion annuelle par million dans les 8 plus grandes villes d’Écosse est identique à celte des districts ruraux. 11 y a de gi-andes dittérences selon les régions ; par exemple sur la côte Est, les suicides sont beaucoup plus fréquenUs que sur la côte Ouest. La moyenne de 1877 à 189i a été de 35 par million. Selon les localités on trouve des différences de 27 (Inverness) à 92 (Kincardine).

De 40 par million (1805 à 1809), les suicides ont monté à 54 par million 'de 1890 à 1894, c’est une augmentation de 35 p. 100 en 30 ans, proportion plus élevée qu’en Angleterre l’accroissement n’a été que de 28 p. 100 pendant le môme temps.

Mais l'auteur croit (|ue cette effrayante augmentation est plus apparente que réelle. 11 ])ense que le suicide est moins caché qu’autrefois, cet acte n’est plus considéré comme déshonorant, puisqu’on le regarde comme un symptôme de folie. Les constatations sont faites avec plus de soin. En outre, on a remarqué que 90 p. 100 des suicides en Écosse, comme en Angleterre, sont dus aux poisons, submei'sions, pendaisons, armes à feu ou blanches. 11 y a peu d’erreurs pour la pendaison, il n’y a pas d’autre hypo¬ thèse po.^sible (pie le suicide, or les proportions de suicide par pendai¬ son n’ont pas varié depuis 30 ans ; on trouve IG pour les 15 dernières années et 13 pour les 15 précédentes; il en est de môme en .Angleterre. Au contraire, les morts par empoisonnement, armes à feu, submersion sont assez souvent douteuses au point de vue .suicide ou accident, et l'on voit qu’il mesure qu’augmentaient les suicides pour ces causes, les acci¬ dents dus aux mômes causes diminuaient. C’est ainsi que la proportion globale des morts par blessures (wounding) c’est-à-dire par armes à feu et armes blanches, est restée la môme depuis 30 ans: 18 pour les 15 pre¬ mières années et 19 pour les 15 dernières. Les suicides de ce genre ont augmenté de 1 1 à 14, mais les accidents ont diminue de 7 a .‘j. Les mômes analogies existent pour les morts par empoisonaemoiit et par submersion.

En Angleterre, on a eu les mômes résultats.

Aussi l’auteur croit-il ipie l’accroissement des suicides est plus appa¬ rent que réel et il conclut que rien n’est dangereux comme d’accepter les conclusions des statistiques non commentées. Catri.x.

Empoisonnements par chaussures enduites d'une teinture d’anUine, par MM. ll.Ai.ii>iiK, Ri:i.i.icaüi), übetox et Giuxjux (Uultelin médical, 14 novembre 1900, p. 1273).

Nous avons analysé récemment ilWvue d'hyyiène, septembre 1900, p. 845) un très intéressant mémoire lu à l’Académie de médecine par M. Landouzy sur des cas d’intoxication par une teinture noire d’ani¬ line appliquée sur des bottines en cuir jaune. Comme nous nous y atten¬ dions, ces faits ne sont pas restés isoles, et .M. le I)'' Graiijux, dans une

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excellente revue sur ce sujet dans le Bulletin médical, elle plusieurs cas analogues publiés dans la lieuue médicale de Normandie du 25 août 1900, la Gazelle des hôpitaux du 10 octobre, et la Gazette médicale du 13 octobre. Tous ces cas sont identiques; des enfants ou des adultes mettent des chaussures en cuir jaune qui viennent d’élre noircies avec un vernis très odorant à l’aniline ; ces pereonnes sont prises de lipothymies, avec coloration bleue ou noirâtre des lèvres et des doigts, algidité, faiblesse extrême, coma; la mort semble prochaine: au bout de deux jours, sous Tiniluence de stimulants énergiques, les acci¬ dents disparaissent peu à peu, et la guérison est bientôt complète.

On ne saurait trop répandre dans le public la notion du dangeç auquel expose cette mise en noir, au commencement de l’hiver, des chaussures en cuir jaune ayant servi pendant l’été; le danger est d’autant plus grand, que ce sont surtout de jeunes enfants ([ui sont exposés à ces empoisonnements. MM. Landouzy et Brouardel, dans leur communication à r.Académie le 17 juillet dernier, pensaient que l’intoxication était due à l’absorption de l’aniline par la peau des pieds. M. Granjux, comme' MM. Halipré et Bellicaud de Rouen, croient plutôt que le poison pénètre par les voies respiratoires. Nos confrères rouennais, dans le cas qu’ils ont relaté, ont examiné la paroi interne des chaussures de leur malade : » Les bottines étaient doublées de coutil gris, la teinture avait traversé la chaussure seulement en quelques points au niveau des coutures; sur le pied il n’y avait aucune trace de vernis ». MM. Landouzy et Brouardel n’ont réussi à amener des accidents par le badigeonnage sur la peau des animaux, que lors([ue la partie enduite était recouverte d’ouate chaude et humide; le badigeonnage sans revêtement ouaté et humide restait inofferisif. Tous les auteurs sont unanimes pour reconnaître que les chaussures ainsi noircies dégageaient un odeur des plus violentes et très désagréable. Il est probable que l’absorption se fait à la fois par la peau et par la respiration.

Espérons que les familles et les cordonniers, maintenant bien rensei¬ gnés, n’emploieront plus jamais une teinture aussi dangereuse.

E. Vallix.

Émaillage mécanique sans dégagement de poussières plombiques (procédé A. Dormov), par M. Hemâ Ma.my {Le Génie civil, 24 novem¬ bre 1900, p. 61).

L’émaillage de la fonte avec des émaux à base de plomb est une dc.< industries qui exposent le plus à l’intoxication saturnine. L’opération consiste à pulvériser les émaux plombifères et à les tamiser en pous¬ sière très fine sur les pièces préalablement portées au rouge. Tous les efforts tentés jusqu’à présent ont été inutiles pour empêcher les ouvrieis de respirer ces poussières. Les masques respirateurs n’ont ])as réussi, parce que le rayonnement direct du four et des pièces en travail échauffe (l’une façon intolérable un masque quelconque, si léger qu’il soit, el aussi parce (|ue l’absorption des poussières ne se fait pas seulement par la respiration, mais aussi pai’ les pores de la peau. Le problème cousis-

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liiil donc à empôclier ces poussières de se répandi'e autour des ouvriers pendant les opérations de l’éniaillage. 11 parait avoir été résolu par le système de l’émaillage mécanique de M. Dormoy, directeur des forges et fonderies de Sougland (Aisnej, à qui le jury de l’Exposition vient pour cela de décerner un grand prix.

Le Génie civil représente par des photographies et des dessins l’en¬ semble et les détails de l’appareil. En somme, la pièce retirée du four est rapidement portée sous une cage vitrée dont les portes sont hermétique¬ ment closes; on fait tomber .sur toutes les faces'de la pièce rougic au feu une poussière plombique extrêmement fine, au moyen d’un réservoir et d’un tamis actionnés du dehors, ün mécanisme compjiqué et très ingénieux permet de donner à la pièce à ômailler toutes les positions nécessaires en inclinant à volonté, l’aide d’une manivelle ou d’une pédale extérieures, la plate-forme qui la supporte.

La description de cet appareil compliqué est rendue très claire par d'excellentes figures, et il n’est pas douteux que M. Dormoy a trans¬ formé, au point de vue de l’hygiène industrielle, une fabrication jus¬ qu’ici des plus insalubres. E. Vallin.

lleber die GesundheiUyefahren des Schleifm'berufs und ihre Verhiiiuny (Des dangers professionnels pour la santé des aiguiseurs et de leur pro¬ phylaxie), par le D’' Moritz (de Solingen) [Cenlrulbl. /'. ally. Gesund- heilstleye, 1900, p. 28.3).

Plusieurs statistiques industrielles locales indiquent une mortalité double pour les différentes catégories d’aiguiseurs au-dessus de 20 ans, pai- rapport au reste de la population de même âge. La survie au delii de 30 ans est en somme rare parmi les ouvriers des usines de coutellerie. L’auteur a examiné minutieusement les organes de 1,2.30 individus em¬ ployés dans les ateliers d’aiguisage et n’a trouvé complètement saine que la faible proportion do 10 individus pour 100, dont aucun ne dépassait 43 ans.

L’extension de l’industrie de Solingen a été telle en ces dernières années que de 1,381 en 1800 le chift’re des ouvriers s’est élevé à 4,027 en 1898, malgré les dangers inhérents à la profession et dus à l’inhalation de poussières métalliques et pierreuses. La quantité de poussières pro¬ duites et très variable suivant l’espèce des lames à aiguiser, couteaux, canifs, ciseaux, rasoirs; dans sa journée et d’après les différents acier.s à mettre sur la meule, un ouvrier peut donner de 230 à 730 grammes de poussières métalliques; à celles-ci vient s’ajouter une quantité nulle¬ ment négligeable produite par l’usure de la pierre des meules, car après 4 semaines d’usage régulier, une meule à aiguiser de 90 centimètres de diamètre avec 12 centimètres d’épaisseur est réduite de moitié.

L’action de ces poussières sur les voies respiratoires détermine rapide¬ ment une pneumoconiose avec hémoptysie, i[ue l’on appelle couramment à Solingen, la maladie des aiguiseurs et qui favorise largement l’évolution du bacille tuberculeux. Ces poussières sont d’autant plus néfastes que par le fait même de la position de l’ouvrier, l’amplitude des mout cmenls

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respiratoires est diminuée et que l’expiration s’exécute d’une façon impar¬ faite. On prétend que les lésions du poumon droit seraient deux fois plus fréquentes qu’à gauche, à cause de l’inclinaison du coips et du point d’appui de l’avant-bras droit sur la cage thoracique, mais l’auteur réserve son jugemeat sur ce point; il cite les chiffres de DOnhoflf sur la mortalité de la population masculine de Solingen de 14 ii -HO ans par affections des voies respiratoires : le résumé en est que, pour les aiguiseurs elle atteint 72,5 p. 100 et pour les autres professions 35,3 p. 100. Chez les apprentis, le catarrhe irritatif des voies supérieures empêche la complète pénétration des poussières ii cause de l’expulsion de ces dernières avec les mucosités dans les efforts de toux ; les maladies du nez augmentent encore le danger par la suppression du filtrage naso-pharyngien ; aussi la morta¬ lité de 2.5,8 p. 100 de 14 ii 20 ans s’élève progressivement jusqu’à 79,3 p. 100 de 40 à 50 ans.

Les moyens d’enrayer la nocivité des poussières sont d’une part d’eni- pôcher leur diffusion dans l’atmosphère au moyen de l’aiguisage humide et de la projection au-dessus de la meule d’eau pulvérisée ou vaporisée,' d’autre part d’enlever par aspiration celles qui auraient tendance ii s’échapper hors de la zone de production. Une ordonnance locale de police, revue le 30 juin 1898, règle les détails du fonctionnement hygiénique des ateliers d’aiguisage et prescrit le recouvrement des meules, le travail sous l’eau et l’aspiration des poussières ii l’aide de procédés et d’appareils analogues ii ceux depuis longtemps décrits {liemœ d'hygiène, 1883, p. 940). Il n’y a qu’à citer les autres mesures qui n’ont rien de spécial à la profession : large ventilation des locaux, sélection des tuber¬ culeux et des nasaux, installation de crachoirs avec recommandations et résultats effectifs, prohibition des boissons alcooliques, propreté corpo¬ relle avec bains-douches et assuétude de la peau aux changements plus ou moins brusques de température. 11 est surtout essentiel d'établir autant que possible un roulement dans les emplois, car certains ouvrages sur les meules sont beaucoup plus pénibles que d’autres : ainsi parmi des ouvriers de Solingen ayant atteint 40 ans, l’auteur compte 5,5 p. 400 parmi les aiguiseurs de couteaux, 8,4 parmi les aiguiseurs de ciseaux, 10,8 pour les polisseurs, et lî,5 pour les dégrossisseurs. Parmi les aigui¬ seurs de poinçons, aucun ne dépassait 45 ans et on ne trouvait pas d’ou¬ vrier âgé de plus de 50 ans dans les aiguiseurs d’armes blanches.

F.-H. Renaut.

Traitement par l'oxygène comprimé de l'intoxication par l'oxyde île carbone, par M. A. Mosso (Comptes rendus de l’Académie des science.< Gazette hebdomadaire, 4 octobre 1900, p. 940.)

Le professeur Mosso, contrôlant les recherches de M.Haldam, d’Oxford, a montré qu’en faisant respirer de l’oxygène pur, comprimé à deux atmosphères, par des individus intoxiqués par l’oxyde de carbone, on ramenait les malades à la vie. 11 est nécessaire que l’oxygène pur soit sous pression, afin que cet oxygène reste dissous dans le plasma sanguin, dont les globules sont asphyxiés et détruits. Deux singes placés dans une

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atmosphère contenant 1 p. 100 d’oxyde de carbone étaient presque complètement asphyxiés au bout d’une demi-heure. L’un fut laissé à l’air libre et mourut ; l’autre, placé dans l’oxygène comprimé à deux atmosphères, revint à lui et guérit. Dans les mines exposées à des explo¬ sions, on devrait toujours garder en lieu sûr une provision d’oxygène com¬ primé à 120 atmosphères, comme on le trouve maintenant dans le commerce. E. V.

Action physiologique du climal d’allitude, par le D'' A. Jaquet. (Semaine médicale, 26 septembre 1900, p. 323.)

M. Jaquet, professeur à la Faculté de médecine de Bàle, a déjà montré en 1898 avec M. .Suter que les changements dans la composition du sang par le séjour dans les altitudes sont dus réellement à une néofor¬ mation des globules rouges et de l’hémoglobine. Les expériences consi¬ gnées dans ce nouveau travail prouvent le rôle des différents éléments qui composent les hauts climats. Après avoir soumis comparativement des gi-oupes d’animaux à chacun de ces éléments, il dose l’hémoglobine avec l’hémomètre de Fleischl-Miescher, puis il expulse tous les globules par l’injection prolongée d’une solution saline dans les vaisseaux de l'animal.

La température et le sécheresse de l’air, la radiation lumineuse (après un séjour des animaux pendant six semaines dans des milieux à -|- 16® et à -(- 2°, etc.) ne modifient point la proportion d’hémoglobine. Celle-ci, au contraire, augmente de 20 p. 100 par une diminution de pression atmosphérique de 100 millimètres de mercure ; c’est le seul élément vraiment actif du climat d’altitude. Cette augmentation des globules et de l’hémoglobine s’accompagne d’une diminution sensible des sécrétions azotées (azote non éliminée par les urines) ; la quantité d’azote ainsi retenue est d’ailleurs bien supérieure à celle qui est exigée par néofor¬ mation des globules sanguins. Il est probable qu’il existe de ce fait une régénération protoplasmalique de tous les éléments, ce qui explique la vitalité et la résistance nouvelle de l’organisme dans les lieux élevés (environ 1,300 mètres). E. Valun.

Der Bepitrtd des Baclerium coli iin IVasser und das Thierexperimenl sind Heine brauchbaren Hülfsmiltct fur die hygienische Beurlheilung des fVassers (La présence du bacterium-coli dans l’eau et les résultats de l’inoculation de l’eau aux animaux ne fournissent pas d’enseignements utiles pour l’appréciation des qualités hygiéniques de cette eau),